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De l’environnement au « lieu de rencontre ». La danse entre pathicité, rythme et « affordances atmosphériques »
Par Serena MASSIMO
Publication en ligne le 28 avril 2025
Résumé
Cet article se propose de problématiser, dans une perspective d’esthétique philosophique, la notion d’environnement comprise comme un espace objectif, séparé et dominé par l’homme, afin de mettre en valeur le caractère affectif, relationnel et dynamique de l’espace dans lequel nous vivons. Après avoir analysé, avec Erwin Straus, la distinction entre l’espace objectif dans lequel on se déplace pour atteindre des buts, et l’espace « ressenti », la relation entre ce dernier, le mouvement corporel et l’art sera explorée à travers les notions de pathicité et de tonicité. La lecture par Hneri Maldiney des considérations straussiennes sur l’espace permettra d’analyser le lien entre le sentiment, la danse et l’existence, qui ont tous trois en commun de coïncider avec l’accès à l’espace « ressenti » et un caractère essentiellement pluriel et dynamique. La notion de rythme permettra de comprendre qu’en fait, l’art comme l’existence naissent sous la forme du mouvement : un mouvement qui intègre les tensions avec l’altérité, en invitant à sortir de sa propre individualité et à se laisser surprendre, grâce au phénomène de la rencontre, par l’altérité dont on se découvre structurellement dépendant. La notion d’« affordances atmosphériques », élaborée par l’approche néophénoménologique de Tonino Griffero, sera utile précisément pour mettre en valeur cette nature affective, relationnelle et dynamique de notre être au monde.
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Table des matières
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De l’environnement au « lieu de rencontre ». La danse entre pathicité, rythme et « affordances atmosphériques » (version PDF) (application/pdf – 300k)
Texte intégral
Introduction
La séparation traditionnelle entre monde intérieur et monde extérieur […] n’a plus désormais qu’une simple et dangereuse façon de parler. Aux structures de la présence […] correspondent différentes manières d’habiter le monde qui le caractérisent (à même les comportements quotidiens) comme Eigen-Welt (monde propre), Umwelt (monde environnement) ou Mitwelt (monde de la rencontre). L’être au monde s’y dévoile sous la triple forme de l’être-soi, de l’être présent à, de l’être-avec, dont les foyers sont le corps propre, la chose et l’Autre. Mais il ne s’agit nullement de termes séparés » (Maldiney, 2012a : 118).
1Lorsque le philosophe Henri Maldiney distingue le monde propre, le monde environnement et le monde de la rencontre, il interroge la conception dichotomique du sujet et du monde – qui a longtemps caractérisé la tradition de la pensée occidentale – tout en rendant compte des différentes manières dont s’articule la relation entre ces entités. La perspective phénoménologique qui nourrit la réflexion de Maldiney l’amène à identifier comme foyer du « monde propre » celui qui, selon la distinction présente dans la langue allemande et rapportée par Edmund Husserl, est le Leib : le corps « vécue » ou « ressentie », ce qui rend notre corps physique anatomique (le Körper) « vivant »1. Le monde environnement, quant à lui, se profile comme un monde qui a la « chose » en son centre ; c’est le monde « qui m’accompagne partout mais que je ne peux pas traverser” (Maldiney, 2007 : 57). Il est « le milieu dont [l’homme] dépend pour vivre. Il lui importe donc de le connaître, de se le rendre familier pour y prendre ses aises et y trouver ses repères. Un tel monde est celui auquel la perception nous donne accès dans la mesure même où elle est présupposée par nos gestes et déplacements habituels » (Villela-Petit, 2007 : 54). C’est le monde entendu comme objet, l’entité dans laquelle on se déplace pour réaliser ses activités quotidiennes sur la base de coordonnées préétablies. Au contraire, le « monde de la rencontre » ou, plus justement – comme nous le verrons – le « lieu » de la rencontre, a pour protagoniste « l’autre », dont l’ouverture marque l’accès à sa propre existence, entendue comme « co-existence ».
2C’est précisément ce passage du monde environnement au lieu de la rencontre qui nous intéresse, dans la mesure où ce dernier, contrairement au premier, permet de rendre compte de la nature affective, dynamique et relationnelle de l’espace. En effet, l’interprétation de la notion d’environnement par Maldiney est révélatrice d’une manière de considérer l’espace comme un objet de domination par un sujet agent détaché de lui. Au contraire, sa notion de « lieu de rencontre » rend compte du fait que ce mode de rapport au monde est partiel et réducteur, puisqu’il ne rend pas compte de l’expérience spatiale, à savoir le fait que l’espace dans lequel nous nous déplaçons est toujours aussi et d’abord un espace par lequel nous sommes affectés affectivement : un espace qui modifie notre manière de le sentir et de nous y déplacer en nous impliquant dans son « ouverture » même à nous. Ce qui le manifeste, c’est l’expérience artistique, dans la mesure où ce que nous ressentons en présence d’une œuvre d’art est d’abord l’expérience de la rencontre. Celle-ci constitue en effet une altérité à laquelle nous ne pouvons nous soustraire et qui, en s’imposant par sa présence, nous oblige à reconnaître que notre existence même dépend de celle de l’« autre », en nous nous ouvrant à elle, donc dans une dimension de coprésence, qui n’est pas figée, mais dynamique. C’est ce que nous nous proposons de démontrer, sur la base de la thèse maldineyenne selon laquelle l’art constitue « l’espace du dévoilement de l’Umwelt en Mitwelt » (Maldiney, 2012a : 231), de la pensée du psychologue phénoménologique Erwin Straus sur l’espace et les mouvements, et de quelques notions issues de la nouvelle phénoménologie.
L’espace du sentir
3Pour énucléer la distinction entre le monde environnement et le lieu de la rencontre, il est tout d’abord utile, de reprendre la distinction établie par Erwin Straus entre deux « modes » de l’espace, auxquels correspondent des manières différentes de se déplacer. Straus parle en effet d’un « mode optique » et d’un « mode acoustique » de l’espace auxquels correspondent deux formes de mouvement. Le « mode optique » de l’espace est l’espace physique, celui qui intervient chaque fois que nous nous déplaçons en vue d’atteindre un but, sur la base de coordonnées résultant de sa mensuration. Les mouvements sont de simples instruments guidés par la position et la distance qui nous séparent de l’objet ou du lieu à atteindre. Le « mode acoustique » de l’espace est un espace vivant, où l’on se trouve lorsque l’on se laisse guider par les qualités « vécues », « ressenties » de l’espace lui-même (largeur, hauteur et profondeur). La péculiarité de cet espace réside dans le fait qu’il nous « impose » de bouger non pas dans le sens où elle nous fait faire certains mouvements, mais dans le sens où elle nous fait bouger, un mouvement dont nous sommes les initiateurs mais que nous ne maîtrisons pas totalement. Ce sont d’ailleurs ces mouvements que la musique exige pour se propager dans l’espace, faisant de notre corps le médium à travers lequel elle se réverbère. L’exemple suivant illustre bien ce phénomène :
Tandis que la vision d’une troupe défilant sur l’écran sans accompagnement musicale ne suscite en nous aucun co-mouvement, nous sommes d’emblée saisis par la musique de marche et soulevés dans notre être moteur (motorisch induziert). Or, loin d’être quelconques, les mouvements que la musique induit sont d’une espèce tout à fait singulière. Des formes de mouvement telles que la marche [en musique] ou la danse ne sont simplement possibles qu’en référence à la musique. En d’autres termes, celle-ci forme d’abord la structure d’espace dans laquelle le mouvement dansant peut se produire. L’espace optique est l’espace du mouvement finalisé, qui est dirigé et mesuré ; l’espace acoustique est l’espace de la danse. Danse et mouvement finalisé ne sont pas à comprendre comme des combinaisons différentes d’éléments moteurs identiques ; ils se distinguent comme deux formes fondamentales du mouvement en général, qui se rapportent à deux modes différents du spatial. (Straus, 1992 : 31)
4Ce qui est en jeu, dans l’espace « acoustique », ce n’est pas la musique en tant que genre artistique, mais précisément le caractère coercitif inhérent à l’expérience de l’écoute d’un son qui se manifeste pleinement lors de l’écoute d’une musique. Avec la musique, en effet, un espace est généré, mais il s’ouvre précisément à travers les mouvements que cette musique incite à faire. La danse est la représentation plastique de ces mouvements « présentiels », c’est-à-dire répondant à un sentiment de présence, dans cet ici et maintenant qui fait que l’on se sent vivant, animé d'une inéluctable envie de bouger. Ces derniers ne sont pas une combinaison des mêmes éléments moteurs que les mouvements intentionnels, car ils correspondent à une forme de mouvement complètement différente. Celle-ci est dictée par le fait que ce n’est pas une entité objective à atteindre qui dicte leur émergence et leur mode d’exécution, mais le sentiment lui-même. Il est donc impossible de les prévoir et de décider a priori de la manière de les réaliser. La preuve en est la nonchalance que l’on éprouve lorsque, en dansant, on recule ou on tournoie, nonchalance que l’on perd dès que l’on recule dans la vie de tous les jours, même si l’espace derrière nous est imprégné d'obstacles. En danse, la nécessité de « se préserver » est moins forte que dans les mouvements quotidiens, dans la mesure où le mouvement de la danse est « structuré autrement » (Straus, 1992 : 43), selon les modulations du sentir et non selon la position d’une entité extérieure à soi qui dicte, en fonction de sa distance, la direction et le mode de déroulement. Lorsque l’on danse, on se soucie moins de cet aspect, car aucune direction n’est établie ; le mouvement n’est pas hétéronormé, mais la continuation de ce que l’on ressent. Par conséquent, c’est justement la rencontre avec autrui qui donne aux mouvements les directions et les modes de réalisation que cette danse elle-même assume.
5La distinction sous-jacente entre les modes optique et acoustique de l’espace est celle entre percevoir et sentir, ou plutôt entre les moments « gnosique » et « pathique » de l’expérience. Le premier correspond au moment concernant l’objet – le « quoi » – de notre perception ; le second, au contraire, a trait au « mode » dans lequel nous percevons, à savoir cette « communication immédiate que nous avons avec les choses sur la base de leur mode de donation sensible changeant » (Straus, 1992 : 23). Cette communication « immédiate » avec les choses est, selon Straus, la manière « originelle » de communiquer avec le monde. Elle se caractérise précisément par la manière dont nous sommes affectés par ce que nous percevons, dont nous sommes « disposés » par lui, impliqués, c’est-à-dire dans sa manière même d’être explicitée avec et par cette « tension » qui génère en nous un besoin inéluctable de mouvement.
6Dans Vom Sinn der Sinne (1935), Straus repropose cette distinction entre « espace géographique » et « espace de paysage », ce dernier se caractérisant par la coïncidence entre le sentiment et le mouvement évoquée plus haut : « Le sentir est lié au mouvement vital par une connexion interne… Aucune espèce d’association ne lie le mouvement au son et au rythme, le mouvement suit la musique de façon absolument immédiate » (Straus 1935 : 603-604). La particularité de cet espace – non évoquée en ce qui concerne l’espace « acoustique » – est que l’espace « paysage » est caractérisé par le sentiment d’être « perdus » ; en lui, en fait, « il n’y a pas de développement qui conduise à la géographie ; nous sommes sortis du chemin; comme hommes nous nous sentons perdus » (Straus 1935 : 525). Nous continuerons à nous sentir désorientés tant que nous essaierons de tracer dans l’espace du paysage les points de référence typiques de l’espace géographique, c’est-à-dire, tant que nous continuerons à affirmer l’attitude de domination et de contrôle que l’espace « ressenti » met en échec par son apparence même. En tant qu’espace du sentir, il est en effet lié à la dimension pathique de notre expérience, au fait que nous ne sommes pas tant des sujets d’action capables de planifier, de contrôler et de prévoir nos actions et leurs conséquences, mais plutôt des sujets « à l’action » de ce qui nous affecte, qui nous « saisit ». C’est précisément à partir du moment de cette action affective, et des mouvements corporels inséparables de cette action, que l’art s’origine.
L’art et l’appel du sentir
7Les considérations de Henri Maldiney sur cette distinction et sur celle entre perception et sentiment sont à cet égard significatives. C'est en effet la perception qui nous incite à assumer une telle attitude « objectivante », valable exclusivement dans l'espace géographique :
Sentir n’est pas percevoir. Toute perception est objectivante. « Le percevoir est au sentir, dit Straus, ce que le mot est au cri. « Au cri du monde, qui déchire la compacité aveugle de l’étant, répond le cri de l’art – et de telle façon que la réponse éclate à même appel […] en disant qu’un événement nous atteint comme un cri, nous touchons à l’essence du sentir […] un événement ne se produit pas dans le monde ; c’est qui, au contraire, qui œuvre le monde en se pro-duisant, et qui nous donne ouverture au monde et à nous-mêmes. Avec l’événement s’ouvre la dimension de l’existence. Exister est avoir sa tenue dehors… hors de toute contenance, à l’avant de soi. Tout événement est transformateur. Chacun vit en lui une transformation de sa présence comme être au monde. « Je suis sentant en tant que je deviens (autre) et je deviens en tant que je sens. ». Ressentir et auto-mouvement sont indissociables […] Je dis bien exister. Le sentir humaine ne se limite pas […] à une « communication symbiotique », à un contact d’ordre vital. L’événement est ressenti par l’homme comme étant […] S’il nous interpelle et si nous tentons de l0arraisonner, c’est que la réalité de son apparaitre et l’authenticité de notre existence ont partie liée il porte en lui la marque de l’être et c’est à l’art de le révéler. (Maldiney, 2022 : 17-18)
8La caractérisation du sentir comme un cri marque l’identification du sentir à l’imposition soudaine et inattendue d’un nouvel état de choses auquel on ne peut donc répondre que par une réaction corporelle, pré-existante aux catégories comme celles du langage verbal. Cette réponse est l’attitude corporelle qui fait partie intégrante du cri même : on se revitalise soudainement et on met tout son corps à l'écoute de ce qui se passe. Le cri du sentir est un événement transformateur qui impose de remodeler sa propre présence, ou plutôt sa façon d’« être au monde ». Un tel événement est une ouverture à la fois du monde et au monde : l’ouverture du monde qui nous appelle fait partie intégrante de notre ouverture à lui, de notre « éveil » au sentir lui-même qui se traduise dans une attitude que nous place « hors de nous-mêmes », qui nous fait « ex-ister ». Selon Maldiney, notre « éveil » au sentir coïncide avec l’« éveil » à notre existence elle-même. Il identifie l’accès à l’existence précisément dès que l’on devient « autre » par rapport à soi-même, c’est-à-dire à partir du moment où l’on s’éloigne de soi-même comme entité singulière et où l’on se découvre en contact avec l’entité qui fait appel à notre sentir. On devient « autre » à partir du moment du contact avec l’altérité ; une altérité qui, pourtant, en appelant notre sentir, se révèle être « partie » de nous, un nous en devenir, en relation structurelle avec un « autre » qui « devient » avec et à travers notre réponse à lui. C’est pourquoi, selon Maldiney (à la différence de Straus), le sentir ne renvoie pas à une relation symbiotique et interdépendante avec le monde, mais plutôt à notre implication dans le « mode d’être » du monde qui marque en même temps notre venue à l’existence. Ce monde n’est pas le monde qui nous entoure (l’environnement), et dont nous percevons les qualités objectives ; il s’agit de l’espace « vivant » et « vécu » du sentir, indiqué par Straus comme « espace acoustique » ou « espace de paysage ».
Du monde au lieu : art et existence
La tâche de l’art est de révéler l’implication et la constitution mutuelle entre nous et le monde, c’est-à-dire l’origine « pathique » de notre existence. Elle ne se limite pas non plus à « rappeler » l’existence du sentir ; elle en « fonde l’origine » en lui donnant un espace-temps qui coïncide avec l’espace-temps de l’existence : « à l’interpellation de l’événement [le sentir], elle répond en instaurant l’espace-temps dans lequel il a lieu d'être » (Maldiney, 2022 : 19). La contribution de l’art à l’accès à l’ « espace-paysage » consiste précisément à générer les conditions spatio-temporelles pour que l’ouverture réciproque de et au monde puisse se produire et, par elle, que l’on puisse « sortir de soi » et entrer dans l’existence : « La dimension première de l’existence comme ouverture à l’être et à l’altérité est précisément le sentir, dont l’art est la vérité » (Maldiney, 2022 : 32)
9En générant les conditions de possibilité du sentir, nous place en effet hors de la perspective « objectivante » dans laquelle il place la perception, éliminant ainsi les conditions de possibilité du sentiment de désorientation qu’on ressent dans l’espace de paysage. De cette façon, l’art nous permet de sortir de la sensation d’être « perdu » en nous faisant pas sortir de ce dernier2 ; c’est ainsi qu’il nous permet d’accéder à notre existence. Dans l’espace géographique, en effet, « Nous perdons notre Ici ». (Maldiney, 2012a : 197). Ce n’est qu’en répondant à l’appel du sentir que l’on cesse d’être simplement locataire d’un espace, pour commencer à l’habiter ; l’œuvre d’art elle-même n’est pas « logé » en lui, il « l’habite ». La distinction entre être simplement « logé » dans l’espace objective et habiter un lieu fait écho à celle entre percevoir et sentir, entre le moment gnosique et le moment pathique de l’expérience : là où le premier est un être situé dans un site de l’espace géographique, identifiable par des mesures et des calculs, le second est le lieu qui se forme dès que le cri du sentir se fait entendre, fondant instantanément le sentir et notre existence. L’œuvre d’art, en tant qu’elle est ce qui porte le cri du sentir, naît avec ce lieu qui donne au sentir la possibilité d’avoir lieu : elle naît avec cet espace « présentiel », qui se rend « présent » à nous et nous rend « présents » à lui, participant à son déroulement et à celui du sentir par sa mise en forme même, qui se fait par nos propres mouvements corporels « présents »3. C’est ici que s’opère le passage du « monde » au « lieu », car cet « Ici » nous met immédiatement en présence du sentir, nous rendant simultanément partie intégrante de sa prise de forme :
Un lieu n’est pas une position dans l’espace géographique. L’expérience du lieu n’est pas celle d’un emplacement déterminé, rapporté à un système de référence dont le point-origine lui est extérieur. Le lieu est, comme l’espace du paysage, complètement soustrait à la topographie géographique, à toutes les coordonnées [...] Mais un lieu ne nous convoque pas à être hors de lui. Il est directement signifiant. Et il nous investit de sa signifiance : celle d’un espace de présence, dont le rythme générateur informe toutes nos tensions motrices, suivant lesquelles nous surgissons à nous-mêmes dans l’élan de notre corps animé. (Maldiney, 2007 : 157)
10Le lieu, à la différence du site que l’on trouve dans l’espace géographique (mais aussi dans le monde environnement, ici compris comme un espace objectif) est le lieu qui surgit avec notre existence, sous le signe de l’ouverture au sentir que l’art rend possible. L’art nous ouvre à un tel espace, en même temps qu’à notre « ici et maintenant » : c’est l’espace « présentiel ». En fait, là où dans l’espace objectif de l’environnement il y a une relation de tension entre le proche et le lointain, dans l’espace présentiel cette tension se résout, puisque, comme l’affirme Martin Heidegger – évoqué par Maldiney – : « Dans la présence se trouve une tendance essentielle à la proximité » (Heidegger 1927 : 23). Il suffit de penser – dit Maldiney – à l’irradiation de la couleur dans un tableau de Giorgione ou dans la Joconde de Léonard de Vinci pour comprendre que, dans l’art, les zones proches et lointaines « sont entrelacées » (Maldiney 2012a : 199) à tel point à la zone médiane, que celle-ci disparaît, marquant la disparition non seulement de la tension entre proche et lointain, mais des catégories mêmes du proche, du lointain et de l’intermédiaire.
11L’espace « présentiel » est donc l’espace qui « s’ouvre comme l’existence à elle-même s’advient, par un seul et même mouvement d’éloignement et d'approche » (Maldiney, 2007 : 169), puisqu’en nous appelant à notre présence, il fait nous découvrir d’être impliqués une relation de proximité, l’éloignement n’étant rien d’autre que l’annulation du lointain : un rapprochement. Cela se manifeste dans le type de mouvement corporel consubstantiel à la génération même de cet espace : un moment avec lequel nous surgissons, dans l’élan de notre corps animé. C’est cette « crispation » que nous éprouvons lorsque nous sommes interpellés par le sentiment : comme une excitation, sous l’impulsion de cette « force motrice » qui marque la coïncidence entre sentir et se mouvoir.
12Cette coïncidence, qui a été vu à travers la notion strausienne d’ « espace acoustique », prend chez Maldiney une valeur existentielle : c’est le mouvement par lequel se crée l’espace-temps même du sentir – un mouvement « cosmogénétique » (Messori 2021) – qui marque l’émergence du sentir, de l’espace présentiel, de l’art et de notre existence.
13Il convient maintenant d’analyser comment ce moment est vécu corporellement par l’individu, en suivant l’induction à l’auto-mouvement illustrée par Straus, qui compare l’effet produit sur nous par la vue d’une troupe marchant sans accompagnement musical à celui produit par une troupe marchant avec un tel accompagnement, en démontrant que la musique pousse à bouger parce qu’elle se manifeste sous la forme d’un surcroît de vitalité. Cette dernière impose un redressement de la posture verticale, de manière vivante et dynamique, ainsi que l’individu est prêt à donner lieu à des mouvements qui sont également capables de sortir de la verticalité – et donc de la directionnalité – qui informe, au contraire, les mouvements directs vers un but. Anne Boissière – qui se réfère à l’exemple présenté par Straus – illustre ce phénomène en recourant à la notion de tonicité, expression par laquelle elle entend la « tension » que la musique insuffle au niveau de la motilité et de l’expérience. La tonicité ici n’est pas celle du corps, mais celle de la relation, car c’est cette dernière qui est vivifiée. C’est dans le « tonus », c’est-à-dire dans la résonance, que la tonicité se manifeste comme une manière de sentir :
Il n’y a pas de marche, pas de musique, pas de danse, sauf pour un être dont la nature est de se tenir debout. En rythme, l’homme se redresse et la coloration affective de son monde s’anime : le ton, qui a trait à la force de gravité, s’accroît. Le ton est la détermination pathique essentielle ; il est lié à notre disposition d’une certaine manière, parfois même à notre insu, et, en tout cas, sans possibilité de la maîtriser. (Boissière, 2023 : 22, ma trad.)
« S’éveiller » à l’existence : art et rencontre
14Les réflexions de Maldiney sur le lien entre l’art et le sentir sont tout à fait en accord avec ces considérations. L’art fait entendre le « cri » du sentir, auquel on ne peut répondre autrement qu’en se « redressant », revitalisé par une vigueur nouvelle qu’on peut identifier comme dynamis, cette force vitale qui s’exprime dans l’action. Et ce relèvement, comme un surgissement, est un relèvement où on « sort de soi » et on se « tient » dehors, dans l’ouverture constitutive de l’espace présentiel, grâce à un élan qui rend tout ce qui est loin proche, préhensif, s’ouvrant à soi en même temps qu’on s’ouvre à lui. C’est le phénomène de la rencontre, ce que « les Japonais appellent le Ah ! des choses, que nous n’éprouvons qu’à nous dresser dans notre verticalité exposée à tout, comme un point d’exclamation au milieu de la vastitude phénoménale » (Maldiney 2012a : 198). C’est le moment où nous accédons à l’espace paysager, qui se manifeste par le mouvement « génétique » de son ouverture, ouverture que l’art rend visible – à l’instar de Straus qui affirme que la peinture de paysage « rend visible l’invisible » (Straus, 1935 : 519) – marquant une « transformation du rapport proche-lointaine, qui met en cause la structure fondamentale de l’espace et du temps » (Maldiney, 2012a : 198).
15Cette transformation marque la disparition du lointain sur la base de cette tendance à la proximité inhérente à la présence, tendance que l’on peut caractériser par le phénomène de tonicité. Cependant, au lieu de l’identifier, comme Straus, au « pur état de la musique et de la danse » (Maldiney, 2012a : 199), Maldiney l’étend à tout l’art. Ce dernier n’est pas ce qui vient après l’ouverture de l’espace des paysages, c’est l’ouverture elle-même du paysage : « L’art n’est pas un “nachträglicher Sprung” dans l’ouvert qui l’attend. Il est l’Ursprung qui, de l’être perdu dans le paysage, fait un être en étonnement dans l’ouvert » (Maldiney 2012a : 200).
16L’art naît précisément de la conversion du sentiment de désorientation propre à l’espace paysager – qui « me fait perdre tout projet de domination » (Carbone, 1996 : 57) – en une sensation d’étonnement, d’étonnement, de « surprise ». L’art assure ainsi la transition vers l’espace de paysage en s’imposant à nous de manière totalement inattendue, par sa présence, une présence qui nous implique en tant qu’êtres qui existent :
C’est seulement dans le comportement esthétique que je suis en présence : en présence d’une œuvre d’art, en co-présence avec elle. Je me surprends à exister d’une existence propre, insubstituable […] cette œuvre, unique, et moi, unique, nous sommes frappés de réalité. Parce que sa présence est insurmontable, que je ne peux pas l’inventer, mais qu’irrévocablement elle s’ouvre à moi, j’ai la révélation que j’existe. J’existe dans cette ouverture. Je l’existe […] La première condition qui fait qu’une œuvre d’art existe est qu’elle transcende, non seulement moi qui la regarde, mais aussi son auteur. (Maldiney, 2003 : 18).
17L’expérience artistique est paradigmatique de la dépendance structurelle de notre propre existence à celle de l’autre par rapport à nous, un autre qui, cependant, pour ne pas être « objectivé », doit se trouver dans une attitude d’ouverture, une ouverture que nous « existons » en existant en elle, en insistant comme elle le fait sur cette ouverture qui nous fait « rester en dehors » de nous-mêmes en tant qu’individus. L’art ne semble pas se limiter ici à rappeler ou à reproposer le « cri » du sentir : il le fait advenir, il le fait résonner en nous et avec nous, en nous mettant en mouvement. Cela devient manifeste parce que, en faisant irruption dans nos vies, en nous plaçant dans une attitude pathique.
18C’est ainsi que nous quittons le monde et entrons dans le « lieu de la rencontre ». Le mot de « monde », en fait, désigne quelque chose de « postulé, structuré par un ensemble de directions de sens qui sont comprises dans la langue [.] Mais il y a une chose que je ne peux pas dire, le « tunchanon », un grand événement qui échappait aux catégories construites de la langue » (Maldiney, 2007b : 57) Le mot grec « tunchanon » renvoie à la fois à l’expérience de la rencontre et à celle de « se trouver » en train de faire quelque chose. Cela illustre la capacité du sentir, par le biais de l’art, à ne pas simplement nous « prendre par surprise », mais à nous « découvrir », engagés dans la génération et la formation à la fois du sentiment et de nous-mêmes, et du monde lui-même, qui cesse d’être le monde préconstitué « autour de nous » (l’environnement) et se révèle être, au contraire, le lieu de la rencontre.
Le rythme du sentir. Danse comme Gestaltung
19La spécificité de l’art de la danse semble résider dans le fait qu’il « rend visible » le caractère dynamique inhérent à l’événement de la rencontre et, à travers lui, l’accès simultané à l’espace de paysage et à sa propre existence. Ceci est rendu possible par le rythme, entendu comme « la sensation dans laquelle le sentir s’articule au se mouvoir » (Maldiney 2012a : 207). La forme artistique et la forme d’existence elle-même ont, en effet, toutes deux une origine « rythmique », dictée par le frottement entre les composantes matérielles et formelles d’une œuvre d’art : un mouvement qui empêche ces tensions et résistances d’être « neutralisées » en permettant, au contraire, une « mise en relation », une articulation qui donne lieu précisément au rythme lui-même.
20C’est ainsi que la forme artistique résout la « dynamique » de ce contraste, qui « n’existe qu’à se frayer elle-même à travers des résistances dont, en les intégrant, elle fait ses puissances. L’intégrateur est le rythme » (Maldiney 2012b : 10). L’art incarne précisément ce dynamisme générateur du rythme et, à travers lui, de la forme artistique et existentielle en même temps : c’est « dans le rythme du sentiment » que le sentiment et l’existence sont « mis en forme », en déployant leur nature dynamique et processuelle. La forme artistique et la forme existentielle n’existent que sous la forme d'un mouvement processuel potentiellement infini : celui d’une « forme en formation » : une Gestaltung, où « ung » indique cette dynamique interne qui génère la mise en forme même. C’est précisément du rythme que dépend ce phénomène de revitalisation que Straus caractérisait comme « rythme vécu » et que l’on a vu, avec Boissière, illustré par la notion de tonicité : ce « redressement », cet élan vers une forme « à venir » de sa propre existence : une transformation de sa propre existence sans qu’on puisse l’anticiper. L’apparition de l’art par défaut empêche d’adopter une attitude objectivante, précisément en raison de son origine « rythmique » ; le rythme, en effet, « n’est pas un objet. On ne peut pas le percevoir en face. Je ne puis qu’y participer » (Maldiney, 2022 : 117).
21L’art de la danse semble assumer cette dimension « participative » ; en effet, en exposant la coïncidence entre rythme et mouvement, il montre la nature « rythmique » de cette mise en forme parce qu’il surgisse du mouvement même qui génère le rythme. L’art et l’existence « prennent forme » précisément sur la poussée de ce mouvement qui ne cherche pas à résoudre les moments de crise4, mais qui transforme le mouvement qui informe la nature même de la tension entre les contraintes qui les caractérisent, en élan vers une nouvelle configuration d’elles-mêmes. En danse, ces résistances et ces tensions sont celles que le corps physique oppose aux positions et aux formes qu’une une chorégraphie prévoit, mais aussi la technique artistique elle-même, dont la capacité expressive se manifeste précisément parce que, en empêchant le corps de se mouvoir autrement, elle ne lui laisse pas d’autre choix que de découvrir de nouvelles modalités d’expression corporelle5.
22L’efficacité de la danse réside donc précisément dans le fait qu’aucun mouvement de danse ne peut être généré sans une résolution « dynamique » – rythmique – des tensions et des contrastes posés par les contraintes physiques, techniques ou contextuelles en jeu. Ce, parce que danseurs et spectateurs participent à ce rythme, qui ne peut être vécu que de manière participative, c’est-à-dire en jouant un rôle de « jonction » dans l’articulation même du mouvement, ce qui ne peut avoir lieu que grâce à la confrontation critique, génératrice de rythme, avec ce qui agit comme une contrainte, c’est-à-dire tout ce qui est « autre que soi ». Le lien intime entre musique et danse indiqué par Straus prélude précisément à cette dépendance structurelle de la formation de l’existence elle-même à l’altérité. Cette dernière est implicite dans la dimension participative du rythme : on « participe » au mouvement rythmique, puisqu’il est généré dans une dimension relationnelle où, autrement dit, il y a au moins un élément qui impose une nouvelle configuration du sentir et, avec lui, de l’existence elle-même ainsi que de l’art.
Affordances atmosphériques. Co-existence comme co-devenir
23L’altérité dont il est question doit avoir une efficacité affective et performative ; elle est représentée par des entités humaines et non humaines. Une manière efficace de l’aborder est celle proposée par Tonino Griffero6, dont l’approche philosophique, dans le sillage de celle de la « nouvelle phénoménologie » élaborée par Hermann Schmitz, se concentre sur le « corps ressenti » : ce que nous sentons nous appartenir et dont nous faisons l’expérience à la première personne, sans pouvoir le voir ou le toucher. L’approche de Griffero est « atmosphérique », conformément à la thèse de Schmitz selon laquelle nos états affectifs ne sont pas des états internes que nous projetons à l’extérieur, mais des atmosphères, des entités diffusées dans l’espace qui nous affectent « en tant que partenaires » et avec lesquelles nous entrons en résonance « atmosphérique ». Cette dernière se manifeste par une résonance « atmosphérique » dans le surgissement ou l'éveil d’« îlots proprio-corporels » : des zones du corps « ressenties » correspondant à des zones anatomiques, mais irréductibles à celles-ci (la poitrine, la cavité buccale, la plante des pieds) ; d’autres, en revanche, s’estompent au fur et à mesure que passe la sensation qui les a fait surgir7.
24L’approche de Griffero permet d’explorer plus au fond comment notre relation avec l’espace du sentir est imprégnée par l’action affective de ce qui nous entoure, et comment cette action se manifeste au niveau corporel, c’est-à-dire en impliquant le corps « vécu » ou « ressenti » et le corps physique en phase avec ce dernier, comme on a vu en suivant Straus. Cet aspect devient encore plus évident à la lumière de la thèse de Griffero selon laquelle la résonance atmosphérique se produit en réponse à des sollicitations affectives extérieures, ce que Schmitz appelle des « suggestions motrices». Il s’agit de « préfigurations gestaltiques » des formes artistiques que nous rencontrons. Dans la danse, les suggestions motrices de la musique jouent un rôle crucial. Par exemple, une seule note ne correspond pas à un seul mouvement, mais plutôt à un modèle de mouvement qui fonctionne comme un courant sous-jacent aux pas et aux poses. L’effet des suggestions motrices sur nous semble comparable à celui décrit par Straus à propos de la musique et de la danse et décrit comme un phénomène de tonicité. De plus, ce modèle de mouvement implique une coordination visuomotrice qui ne peut s’expliquer que par le fait que les mouvements physiques sont la continuation de ce phénomène de résonance, de la génération, avec la formation des îlots corporels, d’une dynamique qui donne aux pas une certaine attitude et confère ainsi à la danse dansée dans ce spectacle particulier sa tonalité émotionnelle caractéristique.
25C’est pourquoi la caractérisation par Griffero des « affordances atmosphériques » 8, entendues comme des « invitations à ressentir », semble particulièrement appropriée. Les affordances atmosphériques nous invitent à entrer en résonance, au niveau proprement corporel, avec certaines atmosphères que les mouvements corporels des danseurs ne se contentent pas de refléter, mais dont ils nous permettent de découvrir des modulations inédites, ainsi que des modalités similaires de déplacement et de ressenti par rapport à ces mouvements et aux autres affordances motrices présentes. Ces dernières sont issues d’entités humaines et non humaines ; en danse, elles peuvent donc provenir des éléments de l’espace scénique, mais aussi des vêtements et des accessoires. Cette danse prend ainsi une nuance affective qui lui est propre, que les mouvements exécutés soient identiques à ceux de la veille ou de nombreuses années auparavant.
Conclusion
26À la lumière de ces considérations, il nous semble possible d’identifier les contraintes dont nous avons vu qu’elles étaient constitutives du rythme et, avec lui, de l’art et de l’existence, comme des « affordances atmosphériques » : des invitations à sentir dans un certain mouvement, qui, cependant, comme nous l’avons vu avec Straus et Maldiney, sont des invitations à se mouvoir. Les ressentir, c’est déjà y répondre, c'est-à-dire se mettre en mouvement et donc participer au rythme constitutif de la forme, pas seulement du mouvement, mais aussi de notre existence et du sentir. De notre existence, à laquelle on a accès lorsque quelque chose fait appel à notre sentir, l’appelle. Par sa présence, l’art nous impose de découvrir que notre existence est indissociable de l’altérité représentée par les contraintes exemplifiées par les affordances atmosphériques. Ces dernières sont des appels à sentir et à exister, c’est-à-dire à participer au « devenir » même de sa « forme existentielle », qui ne peut avoir lieu que dans le « lieu de la rencontre ». C’est dans ce lieu que l’on comprend qu’exister ne peut se faire que sous la forme d’un « co-exister » et que ce dernier est toujours un « co-devenir ».
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Notes
1 Cf. Husserl 1982.
2 « Il est une autre manière de nous éveiller de l’être perdu sans sortir du paysage. L’art commence à cet éveil » (Maldiney, 2012a : 198).
3 Sur la nature cinétique du sentiment en relation avec les réflexions maldineyennes sur le paysage cf. Messori 2014.
4 Le rythme est « une suite incalculable de moments critiques où il est mis en demeure de s’anéantir ou de transformer » (Maldiney, 2012c : 21).
5 Comme l’affirme Christine Leroy « En danse classique, la fabrique se joue dans ce qui ne se voit pas, dans ce qui se vit, de sorte qu’un geste n’est pas l’endossement d’une figure, mais au contraire le résultat de toutes celles qui ont été éliminées » (Leroy 2018 : 4). On pourrait penser au fait que le caractère contraignant des pointes dans la danse classique donne au contraire l’impulsion à de multiples potentiels moteurs et expressifs.
6 Cf. Griffero 2014a, 2014b, 2017, 2019, 2020, 2022, 2024.
7 Nous n’avons pas l’occasion de développer les deux types de résonance atmosphérique identifiés par Griffero ni le point de divergence entre son approche et celle de Schmitz. Griffero identifie en effet trois types d'atmosphères, alors que Schmitz pense qu’il n’y en a qu’une : celle du lieu où l’on entre et ne reconnaît pas, au contraire, la possibilité pour les individus de générer des atmosphères en réponse à ce lieu (cf. Griffero 2019).
8 Cette expression, empruntée au psychologue américain James Gibson, est conçue par ce dernier comme une invitation à agir. Selon la « théorie écologique de la perception » de Gibson, percevoir, c’est avant tout percevoir les « invitations à agir » qui changent en fonction des caractéristiques du sujet percevant et de celles de l’environnement dans lequel ce dernier se trouve. Griffero, qui retient le caractère qualitatif et émergent des affordances, affirme cependant qu’il s’agit avant tout d’invitations à ressentir, à résonner avec les atmosphères présentes dans l’espace.
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