Prose de femmes en Russie post-soviétique et contemporaine : voir la folie autrement.

Par Shcherbakova Anna
Publication en ligne le 13 mars 2024

Résumé

С момента своего возвращения в 1990х годах в литературную жизнь России проза женщин отличается особенным интересом к изображению телесности, сексуального желания, где акцент делается на физиологии, физическом или ментальном распаде героини через отношения с мужчиной, семьёй, обществом и государством в конечном счёте.В первых исследованиях, посвящённых женской прозе, доминирование больных тел и душ интерпретировалось как практика поиска идентичности, выражающая себя через «дискурсивные практики боли» 3и в «дефективном субъекте» 4.В данной статье мы предлагаем по-новому взглянуть на предполагаемое безумие женских персонажей. Так, мы предлагаем посмотреть на них сквозь призму современного подхода к ментальным проблемам. Мы проанализируем два наиболее ярких персонажа «дурочек» из прозы женщин начала 1990-х годов: безымянную героиню – повествовательницу «Непомнящей зла» Елены Тарасовой (1991) и Зину или Шамару из одноименной повести Светланы Василенко (1991).Также мы обратимся к героиням, воплощающим другой тип безумия, хорошо известный в народной культуре, а именно блаженные : героине романа с говорящим названием «Дурочка» Светланы Василенко (1997) и героине «Цветочного креста» Елены Колядиной (2010).Наконец, мы обратимся к сборнику повестей «Открывается внутрь» Ксении Букшы, который является, на наш взгляд, примером того, писательницы 2010-2020х годов работают с методами психологического анализа, интроспекцией и терапевтическими практиками письма.

Dès sa réapparition dans le paysage littéraire russe, à la chute de l’URSS, la prose de femmes s’est caractérisée par son intérêt particulier pour le corps et la sexualité où l’accent était mis sur la physiologie et sur la décomposition physique et/ou mentale de l’héroïne dans ses rapports à l’homme, à la famille, à la société et à l’Etat en fin de compte. Les premières études qui lui étaient consacrées proposaient d’interpréter la prédominance des corps malades et des esprits défaillants comme une pratique de recherche identitaire s’exprimant par des « pratiques discursives de la douleur »1 et un « sujet défectueux »2. Dans notre article, nous envisageons de proposer une relecture de la folie présumée des personnages. Ainsi, proposons-nous, dans un premier temps, de l’aborder à travers le prisme de la compréhension moderne des troubles mentaux. Nous analyserons deux des personnages de « folles » les plus marquants de la prose féminine du début des années 1990 : l’héroïne anonyme de Celle qui ne se souvient pas du mal (Nepomniaschaia zla) d’Elena Tarassova (1991) et Zina ou Chamara, héroïne de la nouvelle éponyme de Svetlana Vassileko (1991). Dans un second temps, nous étudierons deux héroïnes qui incarnent un autre type de folie bien connue de la culture russe, à savoir la folie propre aux « Bienheureux » : l’héroïne du roman au titre parlant Idiote de Svetlana Vasilenko (1997) et celle de La Croix des fleurs d’Elena Koliadina (2010). Dans un dernier temps, nous évoquerons le recueil de nouvelles (Ça) s’ouvre vers l’intérieur de Ksenia Boukcha, qui, selon nous, est représentatif, de l’intérêt que la littérature russe des années 2010-2020, notamment ses autrices, porte à la psychologie, à l’introspection et aux pratiques thérapeutiques de l’écriture.

Mots-Clés

Texte intégral

1La prose de femmes (ou jenskaïa proza/prose féminine en russe) fut l’un des phénomènes marquants du paysage littéraire post-soviétique : plusieurs recueils présentés ou étiquetés comme de la littérature féminine voient le jour entre 1989 et 20005. La critique est divisée face à ce phénomène. Ainsi, « de toute évidence la prose féminine a fait son apparition chez nous », constate Marina Abacheva6; « non, la littérature ne peut pas être féminine ou masculine » lui rétorque le célèbre critique Pavel Basinsky7. Pourtant, quelle que soit la position des critiques, les constats sont les mêmes sur les traits spécifiques de la plume des femmes de cette période : l’intérêt particulier pour le corps et la sexualité où l’accent est mis sur la physiologie et sur la décomposition physique et/ou mentale de l’héroïne dans ses rapports à l’homme, à la famille, à la société et à l’Etat en fin de compte. Ce travail de déconstruction de l’image classique de la féminité8 a valu aux autrices d’être cataloguées sous l’étiquette de tchernoukha, terme largement utilisé et institutionnalisé depuis que Marc Lipovetsky en a fait usage dans sa monographie Histoire de la littérature russe aux XX-XXIe siècles9.

2Les chercheuses qui abordent cette prose du point de vue des études de genre (la critique féminine/féministe) en se penchant sur le problème du sujet féminin, utilisaient, quant à elles, des termes comme « pratiques discursives de la douleur »10, « sujet défectueux »11 et voyaient s’exprimer dans la « monstruosité » des personnages féminins une pratique de recherche identitaire. Contrairement à Pavel Basinsky qui - dans la continuité directe de la tradition patriarcale où depuis l’Antiquité le féminin est associé à la folie 12- affirme que « l’âme féminine laissée seule avec elle-même, est un domaine de l’absurde ou de la psychiatrie »13, les chercheuses comme Tatiana Melechko et actrices du mouvement comme Nina Gabrielian expliquent la prédominance des corps malades et des esprits défaillants (dourotchka) avec des hypothèses qui placent la folie dans le cadre du rapport à l’Autre:

3« Un processus intéressant est en train de se dérouler : les femmes prosatrices d’aujourd’hui (sujets) établissent de nouvelles relations avec l’Autre (objet) : en créant des images de « folles » elles essayent de surpasser l’hostilité fondamentale envers n’importe quel autre type de conscience. [...] Leurs oeuvres déconstuisent, surmontent l’opposition “Moi-Autre” dont l’invariant est la dichotomie “le Moi d’auteur – la folle”.»14.

4Ces hypothèses nous paraissent tout à fait justifiées et l’analyse que nous allons proposer des personnages qualifiés de « folles » ne les met pas en cause. Ainsi, proposons-nous, dans un premier temps, d’aborder la folie/maladie psychiatrique présumée des personnages féminins à travers le prisme de la compréhension moderne des troubles mentaux dont une grande partie est actuellement attribuée aux « difficultés de vivre »15. Nous analyserons deux des personnages de « folles » les plus marquants de la prose féminine du début des années 1990 : l’héroïne anonyme de Celle qui ne se souvient pas du mal (Nepomniaschaia zla) d’Elena Tarassova (1991) et Zina ou Chamara, héroïne de la nouvelle éponyme de Svetlana Vassileko (1991).

5Dans un second temps, nous étudierons deux héroïnes qui incarnent un autre type de folie bien connue de la culture russe, à savoir la folie propre aux « Bienheureux » : l’héroïne du roman au titre parlant Idiote de Svetlana Vasilenko (1997) et celle de La Croix des fleurs d’Elena Koliadina (2010). Dans un dernier temps, nous évoquerons le recueil de nouvelles (Ça) s’ouvre vers l’intérieur de Ksenia Boukcha, qui, selon nous, est représentatif, de l’intérêt que la littérature russe des années 2010-2020, notamment ses autrices, porte à la psychologie, à l’introspection et aux pratiques thérapeutiques de l’écriture.

6Moi, celle qui ne se souvient pas du mal est l’héroïne de la nouvelle qui a donné le titre au premier recueil du groupe littéraire des Nouvelles Amazones, devenu le symbole de la « prose féminine » des années 90 et l’objet de la critique la plus virulente, parce qu’elle faisait voler en éclat l’image de la femme classique : les éditrices ont même eu l’audace de mettre en première de couverture la tête chauve de l’héroïne16. En effet, du point de vue des représentations normalisées de la féminité, l’héroïne ne peut inspirer que dégout et répulsion : outre son corps déformé par la maladie (toutes les parties de son corps à haute signification pour le genre féminin sont touchées : peau, dents, cheveux, silhouette), son comportement présente des signes de déviance : elle s’isole dans sa chambre où elle laisse s’accumuler la poussière et les déchets de toute sorte, se scarifie, se comporte de manière agressive avec ses proches et invente un « ami » nain, sorte d’alter-ego.

7Comme le récit se fait à la première personne, le lecteur a la clé pour comprendre que toutes ces manifestations sont loin d’être une folie (dans le sens commun) car elle reste lucide. On devrait plutôt parler des signes d’une détresse psychologique qui s’aggrave au fur et à mesure que son corps se métamorphose : les symptômes de sa maladie (sans nom) sont d’ordre mental (par exemple, sa mémoire se dégrade ce qui l’oblige à arrêter ses études) et physique (une maladie de peau). D’autre part, elle développe un trouble du comportement alimentaire fréquent - la boulimie. Cette transformation l’amène à éprouver non seulement de la honte pour elle-même, mais encore à devenir l’objet des regards jugeants et méprisants des autres voire de l’agression, ce qu’elle vit comme un harcèlement. Sa détresse psychologique l’amène à sa manifestation la plus flagrante – une tentative de suicide. Sauvée et obligée de rester en vie, elle préfère retourner à l’hôpital psychiatrique où elle a déjà fait un séjour, bien que ce choix puisse paraitre pertinent du point de vue de la « normalité », il n’en est rien : nous y reviendrons.

8Si nous nous limitons à ce premier « plan factuel », l’histoire de l’héroïne peut être lue comme une dénonciation des violences quotidiennes que subissent les personnes non-conformes aux attentes sociales à savoir la phobie du handicap physique et mental, de l’obésité ; ainsi qu’une dénonciation des violences dans les soins psychiatriques et l’absence de traitements appropriés pour ce type de souffrance qu’elle éprouve. Rappelons que la psychothérapie, la psychanalyse étaient (quasi) inexistantes en URSS, et que la psychiatrie en était réduite à son rôle punitif. Nous proposons d’aller au-delà de cette lecture et de nous intéresser à l’origine de son mal-être qui de toute évidence prend une forme d’autodestruction consciente de sa part. Pour ceci, nous avons analysé la description de quelques symptômes psychophysiologiques qui se manifestent presque en même temps, leur facteur déclencheur et son contexte. Voici ce qui nous semble être les mots clés du monologue où l’héroïne se rappelle comment elle a vécu la découverte du « mystère de la naissance » : sa relation avec les parents s’est dégradée (« le lien fragile et affectif la reliant à ses parents se rompit ») ; la violence physique est apparue (« elle se tenait débout sous les coups éprouvant un plaisir cruel : c’étaient ses parents qui la battaient. Eux, qui l’avaient engendrée… et l’avaient trompée en lui donnant la vie ») ; sa perception d’elle-même, son rapport au corps se sont détériorés (« elle essaya de se libérer du péché d’être animal, de s’enfuir de cette chose odieuse qui est le mystère de la naissance », « elle prit son corps en haine ») ; le rejet de la sexualité s’est mis en place (« fuir la nature, fuir la chair », « se protéger des lois du corps, en séparer le spirituel qui fait de l’être vivant un être humain, le séparer du corporel, de l’animal »)17. C’est, donc, la découverte de la sexualité qui doit être considérée comme le facteur déclencheur de sa maladie, de son comportement autodestructif.

9Au vu des informations que nous livre cet extrait (notamment sur le cadre auquel est associé le rejet de la sexualité, c’est à dire la relation enfant/parents), nous osons faire appel à la notion de subjectivation avancée par la psychanalyse moderne qui la définit comme « le processus commandant l’instauration d’un soi suffisamment autonome, suffisamment différencié... » 18. Ce processus est à son paroxysme au moment de l’adolescence : « Le radical nouveau de la sexualité génitale, cette deuxième phase de la sexualité humaine, mobilise les capacités de subjectivation du sujet adolescent d’une manière particulièrement cruciale, et ces capacités feront un adolescent ordinaire ou une adolescence en souffrance, et dans certains cas, un adolescent « malade » »19.

10La condition de réussite du processus de subjectivation, d’après la psychanalyste Michèle Bertrand, dépend de « l’instauration d’un espace psychique personnel, (de) la possibilité d’un travail interne de transformation et de création »20. Nous remarquons que deux espaces, classiques cette fois-ci d’après la théorie de subjectivation féminine, du sujet féminin sont présents dans la vie de l’héroïne : sa chambre (référence à V. Woolf) et l’écriture (réference à V. Woolf, H. Cixous, J. Kristeva)21. Certes, la nature de son écriture reste non définie (notes de lecture ou autres), l’essentiel est quil s’agit d’un lieu d’expression personnelle. L’échec de la subjectivation dont découlent ses états pathologiques, est représenté symboliquement dans le texte par la destruction de ces espaces, d’abord sabotés par l’héroïne, elle-même (elle laisse la poussière recouvrir sa chambre à en avoir de l’asthme ; elle écrit sur des bouts de papier sans en prendre soin) et par la suite détruits quand sa mère l’oblige à faire un ménage : tout, y compris ses notes, part dans un sac poubelle. Ainsi, l’histoire de l’héroïne, nous semble-il, peut être interprétée comme « un raté de la subjectivation » si nous reprenons les termes de Michèle Bertrand22.

11Le recours aux outils psychanalytiques permet également de lire autrement que sous l’angle de la folie l’histoire de Chamara de Svetlana Vassilenko23. La jeune Zina, ouvrière, bien que mariée à Oustine, loge cependant dans une chambre de cité ouvrière avec d’autres jeunes filles. Elle est perçue comme « folle » (chal’naïa) par son entourage, puisqu’elle a un comportement dérangeant : outre sa lubie de musique et de danse (le récit s’ouvre sur une scène de danse au péril de l’héroïne), elle est sujette à l’agressivité et à des pulsions sexuelles. Tout le monde, Zina/Chamara la première, semble avoir oublié le viol en groupe dont elle a été victime et qui a eu pour conséquence son mariage avec l’un des agresseurs.

12L’intrigue sentimentale s’inspire de toute évidence des romances criminelles (jestoky romans) connues de la culture populaire russe, très en vogue également dans la subculture des jeunes filles de l’époque soviétique : on y trouve une belle jeune fille innocente qui tombe amoureuse d’un bandit/ soit pour périr dans cette relation soit pour le voir périr24. Nous pensons que les interprétations proposées dans les années 1990 de la relation entretenue par Zina et Oustine - toxique, dirons-nous aujourd’hui - en étaient en grande partie influencées par le genre auquel fait référence le récit. Ainsi, l’histoire des protagonistes est vue comme une histoire d’amour et le rôle sacrificiel de l’héroïne est présenté comme inhérent au sujet féminin de la prose des années 1990. Citons par exemple Marina Abacheva : « Chamara est un exemple de la force féminine autodestructive… Elle [Chamara – A.S.] est ardente, folle, dangereuse et en même temps elle se donne en amour sans se soucier d’elle-même. »)25.

13C’est probablement l’issue de cette relation destructive et abusive qui alimente son interprétation en tant qu'amour sacrificiel, puisqu’à la fin du récit on voit Zina, battue sauvagement par Oustine, retrouver la raison, sortir de cette relation de son propre gré pour céder sa place à une autre jeune fille, attirée par la beauté et la cruauté de son ex-mari (et vice versa).

14Dès lors, nous pouvons nous demander si le comportement si particulier de l’héroïne ne serait pas mieux appréhendé à travers le prisme du syndrome post-traumatique dû au viol26.

15Si Zina part à la recherche d’un lieu où elle pourra se reconstruire et vivre sans que sa liberté soit contrainte (« sans supérieurs » dit-elle, ce qui peut être compris dans les deux sens : vie sociale et personnelle) - aussi utopique puisse nous paraitre son espoir - l’héroïne de Celle qui ne se souvient pas du mal semble faire un choix contraire : aller au bout de sa dépersonnalisation en réintégrant l’asile psychiatrique. La scène finale de Celle qui ne se souvient pas du mal en a choqué plus d’un :

16« Cette femme grosse et odieuse hurlera par une nuit d’orage. Ses énormes yeux écarquillés refléteront les sourires moqueurs aux gencives roses dénudées.

17C’est moi qui serai cette femme.

18Moi – cellequinesesouvientpasdemal »27.

19D’un côté, on pourrait croire son choix raisonnable et l’expliquer par le désir de se faire, enfin, soigner, ou encore par le désir de fuir vers un moindre mal et sortir de ses relations destructives avec l’entourage. Pourtant, comme nous l’avons dit précédemment, les motifs du choix de l’héroïne sont plus complexes. Tout d’abord, le récit à travers l’analyse faite par l’héroïne de son expérience à l’hôpital psychiatrique, où elle est internée pour la première fois suite à son suicide manqué, questionne le rapport entre la folie et la normalité, entre la déraison et la raison. Les manifestations d’un comportement agressif (insultes, moqueries, vol, etc.) envers les personnes plus faibles ou isolées du groupe, les mensonges et tout autre acte amoral sont, en fait, des preuves de la normalité pour le personnel médical, pour la société. Dans ce monde où règne la loi du plus fort, c’est la haine de l’autre qui est la preuve de la vie : « elle hait, ça veut dire qu’elle est en vie »28. Lucide de cette situation, l’héroïne accepte, dans un premier temps, les règles du jeu pour sortir de l’hôpital, le choix d’y retourner s’explique par le fait que l’asile psychiatrique a été pour elle une découverte de la racine sacrale de la chair humaine.

20Ainsi, dans l’hôpital, l’héroïne se rend compte que « tout n’est que chair » et cette chair-là épurée de la raison, se trouve être le lieu où se manifestent des forces anciennes et puissantes qui rendent à l’être humain toute sa dignité. C’est alors ce qui lui permet de rejoindre sa Patrie « dont le nom est imprononçable comme un nom de dieu, qui met à nu ses créations, démasque l’effroi et donne de l’originalité »29. La vérité est au bout de la folie, au bout de la déshumanisation ce qui, du point de vue de la normalité, paraît comme l’ultime abîme, la mort. Il nous semble, à ce point de notre étude, pertinent de mettre de côté l’optique psychanalytique pour nous tourner vers une conception plus métaphysique de la folie - intégrant dès lors une idée du sacré, du divin. Ainsi, son choix final – libérer ses parents, libérer sa petite voisine qui seule vient la voir, prise dans une relation de dépendance – ce choix final, donc, opéré, précisons-le, le jour de ses 33 ans (âge de Jésus lors de sa crucifixion), contient cette part de sacrifice et de fait semble abonder dans le sens de notre analyse. Le parallèle avec le sacrifice de Jésus est mis en avant dans la scène finale. C’est peut-être la raison pour laquelle l’histoire de l’héroïne et la scène finale ont provoqué autant de réactions négatives : outre la désacralisation de la femme, on note une sacralisation de la folie qui n’est pas inspirée par le Saint Esprit comme, par exemple, dans le cas des gens de Dieu, des iourodivye ou blazhennye lorsqu’ils sont canonisés par l’Église orthodoxe.

21Dans les années 2000, deux textes, dont l’un marque l’histoire des concours littéraires nationaux30, mettent à l’honneur cette folie féminine qui se rattache à la tradition de folie sainte, expression de la raison divine. La littérature russe a ainsi déjà engendré à un certain nombre de personnages, masculins pour l’essentiel31, qui illustrent le lien qui pourrait exister entre la folie et la foi. Les textes étudiés ici, aux titres évocateurs, nous en donnent la version féminine : Idiote de Svetlana Vassilenko32 et La Croix de fleurs de Elena Koliadina (précisons que le texte de S. Vassilenko est plus complexe au plan compositionnel et narratif, car il y a deux temporalités : les années 1930 et 1960 où réapparait sous des identités différentes le même personnage de l’idiote)33. Les deux héroïnes sont présentées comme médiums de l’Esprit divin/Vérité suprême, leurs histoires s’inscrivent dans la tradition des récits hagiographiques : miracles, persécutions (version féminine car les deux sont victimes de viol) et le miracle suprême qui s’accomplit par la mort pour qu’éclate au grand jour leur véritable nature de sainte. La source de la folie, ainsi que son point d’orgue demeurent néanmoins différents pour chacune des héroïnes : l’idiote est née avec un handicap mental et physique. Feodossia d’E. Koliadina, pour sa part, incarne l’innocence et la sincérité à l’instar des personnages d’idiots et idiotes de la littérature orale, et elle parcourt le chemin de la raison à la « déraison » d’une vie d’ascète des bienheureux. La forme que prend le miracle suprême dans les scènes finales s’accorde avec la logique du récit hagiographique : l’idiote monte aux cieux en accouchant en même temps que le soleil se lève, ce qui sonne comme la Bonne Nouvelle - le monde est sauvé et la guerre nucléaire n’aura pas lieu. Le parallèle avec la Sainte Vierge qui prend la place du Christ est évident. Feodossia, elle, va finir dénoncée par son prêtre-manipulateur et brulée, tandis que la croix qu’elle avait construite se mettra à fleurir (à nouveau on peut y voir un parallèle avec le sacrifice du Christ). Les femmes, comme dernier espoir face à la force destructive des hommes, est un message symbolique qui a semblé clair à de nombreux critiques, divisés pourtant par l’entorse faite aux fondamentaux chrétiens. C’est le cas à travers la critique de l’Eglise (prêtre-manipulateur) dans La Croix des fleurs et « l' appropriation » de la place du Sauveur dans Idiote. On doit noter que, par rapport au texte de Elena Tarassova, analysé précédemment, la conception de ce type de folie n’est pas tout à fait la même : le lien avec le sacré est, certes, préservé dans ces deux textes (à leur manière), mais il ne s’agit plus d’un choix conscient fait par le personnage de se réfugier dans la folie. Chez l’idiote, le handicap est inné, chez Feodossia, la dérive vers un comportement perçu comme non adéquat et sa marginalisation sont des conséquences de la perte de l’enfant et de la manipulation habile par le prêtre.

22Enfin, le recueil de nouvelles au titre très éloquent (Ça) s’ouvre vers l’intérieur, publié en 2019 par Ksenia Boukcha (nommé aux quatre concours nationaux prestigieux), s’empare de ce même thème : la folie34. Ce recueil, selon nous, retravaille non seulement la perception de la folie dont nous venons de parler, mais aussi et surtout, démontre une sorte de fusion aux effets thérapeutiques entre la littérature et la psychanalyse. Trois parties structurent le recueil, « Orphelinat » (Detdom), « Asile psychiatrique » (Dourdom) et enfin « Terminus » (Konetchnaïa) qui sont autant de topos caractéristiques de la prose de femmes des années 199035. Les histoires des personnages, féminins ou masculins36, illustrent le phénomène de la psyché humaine : les nouvelles nous montrent des cas singuliers et en même temps typiques de la conscience affectée par une expérience traumatisante, le stress de la vie quotidienne ou une maladie mentale. Ainsi, la première partie décrit-elle l’émergence et - pour certains protagonistes - la prise de conscience de leur expérience traumatisante suite à l’abandon/séparation par/de la mère ; tandis que la deuxième partie propose une galerie de personnages atteints de troubles mentaux. N’étant pas spécialiste des troubles mentaux, nous ne pouvons que reprendre les diagnostics posés dans le texte, par exemple la schizophrénie (De Petits bonhommes/Tchouvatchki), ou faire des suppositions quant aux autres troubles d’après les descriptions des symptômes : dépression (Stas) et psychose/perte du sens de la réalité (Avtovsky viaduc. Permis de conduire/Avtovsky pouteprovod. Prava; Autoportrait /Avtoportret). La dernière partie décrit l’angoisse à son paroxysme et d’autres réactions face au stress, à la mort, au meurtre… et les choix faits par les personnages : baisser les bras et se laisser aller pour dériver vers la déraison ou chercher une solution, une aide.

23L’œuvre pourrait être lue comme une critique de l’absence d’aide et de suivi psychothérapeutiques autre que la psychiatrie classique où règne l’autorité médicale qui surveille et punit, mais ne soigne pas. C’est ce qu’on voit à travers les personnages des médecins de la nouvelle Charlatan, incarnation pure du regard dominateur et surveillant (vzgliad-nadzor) décrit par Foucault et que cite le texte37. Pourtant, la force de ce texte, de notre point de vue, réside, dans un premier temps, dans l’imitation littéraire de l’altérité mentale : la narration, la composition est faite de sorte que le lecteur épouse la conscience du personnage, sa manière d’appréhender et de vivre la réalité, et éprouve par conséquent le choc de son expérience traumatisante ou encore celui de la confrontation avec la conscience/réalité d’Autrui, c’est à dire de l’intersubjectivité. En fait, il y a autant de personnages avec leurs consciences plus au moins déviantes ou traumatisées qu’il y a de réalités possibles (Autoportrait). Et nous pourrions ajouter qu’il y a autant de leçons de tolérance.

24Dans un second temps, certains récits vont au-delà d’illustrer simplement le conflit entre le couple « réalité et normalité » versus « anormalité et irrationnel », ils en brouillent les frontières. Nous retrouvons donc l’idée évoquée précédemment de la folie comme une raison autre, qui serait au-delà de la raison normative. C’est le cas du mathématicien de la nouvelle La Clé est à l’intérieur, génie ou fou ? On ne saura le dire. L’histoire de l’héroïne de la dernière nouvelle du recueil Terminus est également très surprenante, puisque comme le dit la critique Valéria Poustovaia : « la rationalité finit par s’effondrer»38. Sa protagoniste, après avoir découvert que le garçon qu’elle connaissait, atteint de schizophrénie, s’était suicidé (il s’agit du protagoniste de la nouvelle De Petits bonhommes), plonge dans la culpabilité et, dans son rêve, fait une expérience mystique de retrouvailles avec lui pour comprendre que c’est dans l’au-delà que l’on trouve la possibilité d’une existence paisible. Dans la scène finale, nous avons une dichotomie entre, d’un côté le soleil, la vie et le disconfort et de l’autre côté l’ombre, la mort et la paix. Le soleil, symbole de la vie, chez S. Vassilenko brûle les forces des personnages chez K. Boukcha, leur ôte la raison, les pousse vers la mort, seul espace d’existence paisible :

25« La chaleur cède la place à l’obscurité totale tout autour et à la lourdeur pesant sur ma poitrine. Je l’ai quitté, je l’ai laissé seul. J’ai eu peur d’attraper ça de lui. Je ne l’ai pas aimé et il est mort. Je l’ai laissé mourir seul. Mais s’il était possible de changer quoi que ce soit, j’implore de me donner cette chance, je ferais tout pour cela. Nous nous prendrions par la main pour partir dans l’ombre, mais nous partirions ensemble, en file indienne, en chaine humaine faite de petits bonhommes carbonisés comme des allumettes, comme ce qui reste de la personne en contrejour lorsqu’on ferme les yeux»39.

26Paradoxal? Oui et non, si nous nous pensons à Sabina Shpielrein, pionnière de la psychanalyse européenne et russe, et à son travail intitulé « La destruction comme cause du devenir » 40. S’appuyant sur des exemples tirés de récits mythologiques européens ou russes, de la philosophie du surhomme de Nietzsche, mais également sur les travaux des philosophes russes Vladimir Soloviov et Nikolaï Fiodorov, elle analyse l’ambivalence du rapport entre la vie, la mort et la sexualité pour argumenter la présence de la composante destructive dans l’instinct sexuel.

27Dans quelle mesure peut-on parler de la recherche identitaire lorsque l’on parle de la folie? En psychologie, le terme « identité » renvoie à la représentation de soi associée à un sentiment de continuité et de permanence. La recherche identitaire peut par conséquent être comprise comme une réflexion sur le soi/Moi, sur ce qu’est le sujet humain dans son intégrité physique et morale. Loin de nous de vouloir proclamer une spécificité réservée à l’écriture des femmes, mais il nous semble que les textes dont nous venons de parler font écho à la production autobiographique, égo-documentaire des femmes des XIXe et XXe siècles, qui sont des espaces importants voire privilégiés non seulement d’expression, mais aussi, comme le note à juste titre une chercheuse française G. Subbotina, de réflexion sur soi contribuant ainsi au développement de la philosophie de la conscience en Russie41. Ainsi, le travail littéraire de femmes peut revêtir une signification nouvelle, être revalorisé et perçu à sa juste valeur.

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Notes

1 Abaševa, Marina et Vorobiova, Nina. Ženskaja proza na rubeže XX-XXI vekov, Perm, Ponicaa, 2007, p. 81-88.

2 Žerebkina, Irina. Genderenye 90-ye ili Fallosa ne suščestvuet, Sankt-Peterburg, Aletejja, 2003, p. 175-177.

3 Abaševa, Marina et Vorobiova, Nina. Ženskaja proza na rubeže XX-XXI vekov, Perm, Ponicaa, 2007, p. 81-88.

4 Žerebkina, Irina. Genderenye 90-ye ili Fallosa ne suščestvuet, Sankt-Peterburg, Aletejja, 2003, p. 175-177.

5 Voir Uljura, Anna. «Postsovetskie sbornik ženskoj prozy : sozdanie precedenta» in Gončarova-Grabovskaja, S. Ja. (ed.), Russkaja i belorusskaja literatury na rubeže XX—XXI vv.: sbornik naučnyx statej. V 2 č. Č. 1., Minsk, RIVŠ, 2007, p. 127-131. [En ligne], < http://elib.bsu.by/handle/123456789/54130 >, (consulté le 6 juillet 2021). Voir Uljura, Anna. « "U mužčin - svoj začet, u ženščin - svoj, otdelʹnyj": Ideja i praktiki pozitivnoj diskriminacii v literaturnom processe postsovetskoj Rossii », Novoe literaturnoe obozrenie, n°4, 2007. [En ligne], < https://magazines.gorky.media/nlo/2007/4/u-muzhchin-svoj-zachet-u-zhenshhin-svoj-otdelnyj.html >, (consulté le 6 juillet 2021).

6 «De toute évidence, la prose féminine fit son apparition chez nous. Cela ne veut pas dire qu’il y a déjà dix, vingt ou trente ans les femmes n’écrivaient pas de nouvelles ou de récits. Elles en écrivaient. Elles en publiaient. Mais il n’y a jamais eu une telle abondance de noms féminins publiés dans les revues littéraires, il n’y a jamais eu de publication intense de recueils spécialisés en prose féminine [...]. Il n’y a pas eu non plus de discussions sur l’existence de la prose féminine puisque l’objet même de l’étude en était absent ». Abaševa, Marina. « Čistenʹkaja žiznʹ ne pomnjaščix zla », Literaturnoe obozrenie, n°5-6, 1992, p. 9.

7 Basinskij, Pavel. « Pozabyvšie dobro. Zametki na poljax "novoj ženskoj prozy"», Literaturnaja gazeta, n°7, 20 marta, 1991, p.10.

8 Savkina, Irina. « Govori, Marija (Zametki o sovremennoj ženskoj proze) », Preobraženie (Russkij feministskij žurnal), n°4, 1996, p. 62-67. [En ligne], < https://a-z.ru/women/texts/savkina1r.htm >, (consulté le 6 juillet 2021). Galina, Marija. « Dekonstruktivnye načala v ženskoj proze », Obščestvennye nauki i sovremennostʹ, n°5, 2001, p. 173-181. [En ligne], < https://ecsocman.hse.ru/data/586/351/1218/016gALINA.pdf >, (consulté le 6 juillet 2021).

9 Lipoveckij, Mark et Lejderman, Naum. Sovremennaja russkaja literatura. 1950-1990 gody v dvuh tomah, tom 2 : 1968-1990, Moskva : Akademija, 2003, p. 560-563.

10 Abaševa, Marina et Vorobiova, Nina. Ženskaja proza na rubeže XX-XXI vekov, Perm, Ponicaa, 2007, p. 81-88.

11 Žerebkina, Irina. Genderenye 90-ye ili Fallosa ne suščestvuet, Sankt-Peterburg, Aletejja, 2003, p. 175-177.

12 Que le comportement féminin soit conforme aux normes binaires du genre ou qu’il s'en éloigne (situation paradoxale ou « catch-22 » analysée par Phyllis Chesler). Chesler, Phyllis, Women and madness, Palgrave Macmillan, 1972, 359 p.

13 «Un ami, après avoir lu Tarassova, s’est sincèrement exclamé : « On ne peut pas publier de pareilles choses ! » Je suis d’accord avec lui. [...] l’âme féminine laissée seule avec elle-même, est un domaine de l’absurde ou de la psychiatrie». Basinskij, Pavel. Op. cit.

14 Meleško, Tat’jana. Sovremennaja otečestvennaja ženskaja proza : problemy poètiki v gendernom aspekte. Učebnoe posobie po speckursu, Kemerovo, Kemerovskij gos. Un-t, 2001, 88 p. [En ligne], < http://www.a-z.ru/women_cd1/html/br_vved.htm >, (consulté le 6 juillet 2021). Voir également Gabrièljan, Nina. « Vzgljad na ženskuju prozu », Preobraženie (Russkij feministskij žurnal), n°1, 1993, p. 102-108, p. 108. [En ligne], < http://www.a-z.ru/women/texts/gabrielr-e.htm >, (consulté le 6 juillet 2021).

15 Auxquelles les femmes, en tant que groupe dominé, seraient plus exposées. Voir par exemple Ussher, Jane. The madness of women : Myth and Experience, London, Routledge, 2011, 328 p.

16 Tarasova, Elena. « Nepomnjaščaja zla » in Vaneeva, Larissa (ed.), Nepomnjaščaja zla : novaja ženskaja proza, Moskva, 1990, p. 189-217.

17 Tarasova, Elena. « Nepomnjaščaja zla » in Vaneeva, Larissa (ed.), Nepomnjaščaja zla : novaja ženskaja proza, Moskva, 1990, p. 202-203.

18 Brusset, Bernard. « Le sujet selon Raymond Cahn [*] », Adolescence, 2017/1 (T. 35 n°1), p. 169-186. [En ligne], < https://www.cairn.info/revue-adolescence-2017-1-page-169.htm >, (consulté le 6 juillet 2021).

19 Scharmann, Guy. « À propos du refoulement à l'adolescence », Adolescence, 2011/2 (T. 29 n°2), p. 271-280. Em ligne : https://www.cairn.info/revue-adolescence-2011-2-page-271.htm >, (consulté le 6 juillet 2021).

20 Bertrand, Michèle. « Qu'est-ce que la subjectivation ? », Le Carnet PSY, 2005/1 (n° 96), p. 24-27. [En ligne], < https://www.cairn.info/revue-le-carnet-psy-2005-1-page-24.htm >, (consulté le 6 juillet 2021).

21 Woolf, Virginia. Une chambre à soi, Paris, Denoël, 1998 [1929], 181 p. ; Cixous, Hélène. « Le Rire de la Méduse », l’Arc, n°60, 1975, p. 39-54 ; Kristeva, Julia. Polylogue, Seuil, 1977, 537 p., Kristeva, Julia. La Révolution du langage poétique, Paris, Seuil, 1974, 633 p.

22 Bertrand, Michèle, ibid.

23 Vasilenko, Svetlana. « Šamara » in Vaneeva, Larissa (ed.), Ne pomnjaščaja zla : novaja ženskaja proza, Moskva, 1990, p. 83-125.

24 Voir Lurʹe, Mixail. « Narodnye pesni russkogo goroda » in Arzamas Academy [podcast]. [En ligne], < https://arzamas.academy/courses/80/4 >, (consulté le 6 juillet 2021). Voir Borisov, Sergej. Rukopisnyj devičij rasskaz, Moskva, OGI, 2002.

25 Abaševa, Marina et Vorob’iova, Nina. Op.cit., p. 83. 

26 Nous pouvons mentionner d’autres personnages qui peuvent être appréhendés de la même manière : on parlerait alors de cleptomanie, de dépression et d’autres troubles dus au narcissisme ; sans oublier deux cas spéciaux : personnage de l’hermaphrodite Lera et celui de « maniaque », tueur en série.

27 Tarasova, Elena. « Nepomnjaščaja zla » in Vaneeva, Larissa (ed.), Nepomnjaščaja zla : novaja ženskaja proza, Moskva, 1990, p. 217.

28 Tarasova, Elena. Op. cit., p. 210.

29 Tarasova, Elena. Op. cit., p. 206.

30 L’attribution de Booker russe 2009 au roman La Croix de fleurs d’Elena Koliadina donna lieu à des réactions virulentes voire hors de propos. Voir l’article d’Alla Latynina qui en propose un excellent résumé : Latynina, Alla. « V dekoracijah semnadcatogo veka », Novyj mir, n°2, 2011. [En ligne], <https://magazines.gorky.media/novyi_mi/2011/2/v-dekoracziyah-semnadczatogo-veka.html>, (consulté le 6 septembre 2021).

31 Aliocha de l’Idiot de Dostoïevski comme l’exemple le plus connu.

32 Vasilenko, Svetalna. «Duročka», Novyj mir, n°11, 1998. [En ligne], <https://magazines.gorky.media/novyi_mi/1998/11/durochka.html>, (consulté le 6 juillet 2021).

33 Koljadina, Elena. Cvetočnyj krest, Moskva, AST, 2011, 384 p.

34 Bukša, Ksenija. Otkryvaetsja vnutrʹ, Moskva, AST, 2018, 288 p. A ce jour, Ksénia Boukcha est l’autrice de plus d’une dizaine de romans et également de nouvelles, dont plusieurs ont été nommés aux concours littéraires russes, son roman L’Usine Liberté (Zavod « Svoboda ») est lauréat de Bestseller National en 2014. Certains de ses textes étaient publiés dans les recueils de prose féminine édités par Svetlana Vassilenko.

35 Voir Rovenskaja, Tatʹjana. Ženskaja proza konca 1980-x - načala 1990-x godov: Problematika, mentalʹnostʹ, identifikacija, thèse, univ. MGU, 2001.

36 La majorité restant féminins comme c’est le cas dans la réalité des soins psychiatriques dont les raisons sont explorées dans un grand nombre d’ouvrages de perspective féministe.

37 « Charlatan » est le protagoniste de cette nouvelle : psychiatre, il rejette cette approche des malades et, de fait, se retrouve lui-même dans « un groupe à risque ».

38 « Ces romans se terminent par un gauchissement de manière illogique et injuste. Les voies des personnages les mènent vers les ténèbres et c’est d’autant plus fâcheux puisqu’il nous a semblé les voir emprunter le bon chemin… La rationalité finit par s’effondrer dans les romans : notre « il ne faut pas » est rationnel, mais si le cœur de l’homme bat c’est puisqu’il est capable de s’ouvrir… Les romans de Boukcha éveillent chez les lecteurs le sens de la vie dans ses cinq dimensions sensorielles, dans sa lucidité cruelle et ses ténèbres berçantes». Pour la critique, ces deux derniers livres de Ksénia Boukcha « ébranlent les rives de la conscience». Pustovaja, Valerija. « Novaja čutkostʹ. Kritičeskij serial. Serija 2. Gde moi granicy? », Literratura, n°184n, 2021. [En ligne], < http://literratura.org/issue_criticism/4282-valeriya-pustovaya-novaya-chutkost.html>, (consulté le 6 septembre 2021).

39 Bukša, Ksenija. Op. cit., p. 286.

40 Spielrein, Sabina. « La destruction comme cause du devenir (Extraits)* », Revue française de psychanalyse, n°4 (vol. 66), 2002. [En ligne], < https://www.cairn.info/revue-francaise-de-psychanalyse-2002-4-page-1295.htm>, (consulté le 6 juin 2021).

41 Subbotina, Galina. L’invention de soi dans la littérature romantique russe, thèse, univ. Sorbonne Paris, p.13.

Pour citer ce document

Par Shcherbakova Anna, «Prose de femmes en Russie post-soviétique et contemporaine : voir la folie autrement.», Revue du Centre Européen d'Etudes Slaves [En ligne], La revue, Numéro 8, Liminalité et corps féminin, mis à jour le : 21/10/2024, URL : https://etudesslaves.edel.univ-poitiers.fr:443/etudesslaves/index.php?id=1637.

Quelques mots à propos de :  Shcherbakova Anna

Anna Shcherbakova est maîtresse de conférences à l’Université Rennes 2 (EREMIT), membre associée du Centre d’études slaves contemporaines (UGA) et du Centre de recherche Europes-Eurasie (Inalco). Titulaire d’un doctorat en Études slaves, elle travaille sur le corps et l’intime dans la culture et la littérature russes. Ses recherches récentes portent sur l’histoire de la littérature de femmes et l’écriture au féminin. Elle est initiatrice et co-organisatrice d’un projet de travail sur la place de ...

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