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Les proverbes français avec le lexème chienet leurs équivalents serbes
Par Ivan Jovanović
Publication en ligne le 01 septembre 2015
Résumé
U radu se kontrastivnim pristupom analizira leksičko-semantička struktura francuskih poslovica s leksemom pas i njihovih srpskih ekvivalenata. Polazeći od teorije prototipâ i Belićeve teorije po kojoj se specifičnost pravih imenica ogleda u tome što znače zbir osobina, naše istraživanje pokazuje da imenica pas poseduje uglavnom negativne osobine: opasnost, zlobu, brbljivost, perfidnost, žrtvu, gramzivost, tvrdičluk, besposlenost, naivnost, neiskustvo i prgavost dok se pozitivne karakteristike pojavljuju u četiri primera: iskustvo, mudrost, vernost i hrabrost. Poslovice s leksemom pas klasifikovane su u dve grupe: poslovice iste leksičko-semantičke strukture i poslovice različite leksičke, a iste semantičke strukture.
Dans la présente communication, nous analysons, à travers la méthode contrastive, la structure lexicale et sémantique des proverbes français contenant le lexème chien et leurs équivalents serbes. À la lumière de la théorie des prototypes et de celle d’Aleksandar Belić selon laquelle la spécificité de vrais noms se manifeste par l’ensemble des propriétés, notre recherche montre que le lexème chienpossède principalement des propriétés négatives exprimant le danger, la méchanceté, la loquacité, la perfidie, la victime, la cupidité, l’avarice, l’oisiveté, la naïveté, l’inexpérience et le rageur. Dans quatre cas, nous avons identifié des propriétés positives : l’expérience, la prudence, la fidélité et le courage. Les proverbes contenant le lexème chien sont classés en deux catégories : ceux qui sont de même structure lexico-sémantique que leurs équivalents serbes et ceux qui ont une structure lexicale différente mais une même structure sémantique.
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Table des matières
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Texte intégral
Introduction
1Les proverbes ont toujours été d’usage parmi nous et l’on en trouve dans les premiers livres écrits en français. Nos usages, nos moeurs, notre histoire ont servi de matériaux à un grand nombre de proverbes.
2Charlotte Schapira (1999) souligne que le proverbe est une structure figée, porteur d’un enseignement reflétant la sagesse du peuple qui l’avait créé et transmis de génération en génération à travers les âges1. Du point de vue référentielle, le proverbe se définit comme un énoncé sémantiquement autonome, transparent, à sens métaphorique. En effet, le sens du proverbe est toujours la somme ou du moins la fonction sémantique de l’ensemble de ses composantes lexicales et des relations syntaxiques qui s’installent entre elles2. Sur le plan grammatical, le proverbe est d’une structure propositionnelle porteuse d’un message achevé et complet.
3Même si le français et le serbe appartiennent à la même famille de langues, la famille indo-européenne, l’appartenance à des groupes linguistiques différents ainsi que d’autres paramètres de nature diverse ont influencé la constitution de contextes distincts sur le plan culturel. De là, on peut imaginer que cette diversité aura un écho dans le domaine proverbial.
4L’objectif du présent article est d’étudier la structure lexicale et sémantique des proverbes français contenant le lexème chien et leurs équivalents serbes. Nous tenons principalement à montrer quels constituants sémantiques sont exprimés par le nom chien dans les proverbes français et si sont exprimés de la même manière dans leurs équivalents serbes.
5Les proverbes sont classés en deux catégories : ceux qui sont de même structure lexico-sémantique et ceux qui ont une structure lexicale différente mais la même structure sémantique dans les deux langues.Au vue de notre objectif, qui est de trouver des formes équivalentes dans les deux langues, nous devons respecter deux critères afin de pouvoir établir des équivalences : ce sont les critères de forme et de sens. Si les équivalents serbes sont de même forme et de même sens, on dit qu’il s’agit d’une équivalence totale. Si les équivalents serbes n’ont pas la même structure lexicale, mais qu’ils aient la même structure sémantique, on considère qu’il s’agit d’une équivalence partielle3.
1. Corpus, méthodes et modèles théoriques
6Notre corpus est constitué de proverbes extraits de plusieurs sources – des dictionnaires parémiologiques et des recueils de proverbes. En ce qui concerne le corpus français, nous nous sommes appuyés principalement sur le dictionnaire de proverbes et dictons de F. Motreynaud, A. Pierron et F. Suzzoni (Motreynaud et al. 2006) étant donné qu’il propose le plus grand nombre de proverbes avec le lexème chien. Nous avons également exploité le recueil de proverbes de R. De Lincy (De Lincy 1996) et de M. Maloux (Maloux 2006).
7En ce qui concerne le corpus serbe, il est principalement composé de recueil de proverbes de V. Karadžić (1985), le plus représentatif dans le domaine parémiologique serbe. Un certain nombre de proverbes serbes provient du dictionnaire des constructions idiomatiques de B. Milosavljević (1994) et du dictionnaire de la langue serbe de Matica srpska (2007).
8Sur la base de références citées, nous avons analysé un corpus contenant vingt neuf proverbes avec le lexème chien.
9Treize proverbes sont de la même structure lexico-sémantique (44,83%) tandis que seize ont une structure lexicale différente mais la même structure sémantique que les proverbes correspondants en serbe (55,17%).
10Quant aux équivalents serbes, ils sont au nombre de quarante et un. Il est à souligner que, pour quelques proverbes français, nous avons identifié plus d’un équivalent serbe. En vue d’analyser les proverbes français comprenant le lexème chien et leurs équivalents serbes, nous sommes partis du français vers le serbe en nous servant, dans notre recherche, de la méthode contrastive ayant pour objectif de révéler les ressemblances et les différences dans la structure des proverbes français avec le lexème chien et leurs équivalents serbes.
11Pour ce qui est du modèle théorique que nous avons choisi pour notre recherche, il est basé sur la théorie de vrais noms d’Aleksandar Belić dont la spécificité se reflète dans l’ensemble des propriétés. Selon Belić, les vrais noms sont des mots nominaux non motivés qui désignent les objets réels ou les notions par lesquelles est marqué l’ensemble des propriétés d’un objet4. Les vrais noms sont autonomes car leur signe linguistique, parlé ou écrit, évoque chez l’auditeur ou chez le lecteur toute compréhension de l’objet. Cette théorie de Belić était le précurseur de la théorie des prototypes qui est également importante pour notre recherche parce qu’elle est aussi basée sur les propriétés prototypiques et non prototypiques du lexème chien ainsi que sur leur fréquence dans les proverbes.
2. La symbolique du chien dans la culture française et serbe
12Dans les deux cultures, française et serbe, nous rencontrons la symbolique identique tantôt positive ou négative liée au chien. Dans l’iconographie chrétienne, le chien qui est représenté aux côtés des saints a un rôle positif et actif. Par exemple, Saint Wendelin est accompagné d’un chien de berger, tandis que l’on attribue à Saint Eustache, Saint Hubert et Saint Julien l’Hospitalier des chiens de chasse. On découvre dans les Écritures Saintes des exemples démontrant les caractéristiques positives des chiens telles que : fidélité, dévouement, prudence et prédiction qui sont métaphoriquement transmis aux êtres humains.
13Dans la tradition chrétienne, les chiens ont été également pris dans des contextes négatifs, ce que prouvent deux exemples tirés de la Bible: « ne donnez pas les choses saintes aux chiens » ; « mettez dehors les chiens ». Dans les psaumes, on parle des justes entourés de chiens méchants5. Le symbole de méchanceté canine est parfaitement décrit par Saint Athanase dans l’hagiographie de Saint Antoine. Ainsi, le chien est une métaphore du pêcheur qui revient constamment à ses pêchés6.
14Dans la culture du peuple français, le chien est lié à une trinité élémentaire – terre, eau et lune, à symbolique végétative, féminine, sexuelle et divinatoire, aussi bien dans le domaine inconscient que pour le subconscient. Son rôle principal est psychopompe « guide de l’homme durant la nuit de la mort après avoir été son compagnon durant le jour de la vie »7.
15Dans la culture du peuple serbe, durant la période païenne, les chiens sont considérés comme les animaux sales, nuisibles et cabots. On dit : « ce que le chien lèche, il faut nettoyer avec de l’eau bénite si les enfants remangeront du même récipient ». Veselin Čajkanović (1994) l’explique par le fait que les chiens sont les animaux éminents contenant des âmes d’autrui et on risque de faire entrer dans notre corps, par la nourriture ou le boisson, une âme8.
16À partir de la symbolique citée, nous supposons qu’elle a eu un impact sur la création de nombreuses expressions et proverbes qui sont en rapport avec les relations homme-chien dans les deux langues, ce que nous allons essayer de prouver dans la suite de notre article.
3. Les proverbes de même structure lexico-sémantique
17 Dans cette catégorie, nous avons classé treize proverbes français ayant la même forme et le même sens que leurs équivalents serbes. Les propriétés du lexème chien qui y dominent sont plus négatives que positives: la victime, le danger, la méchanceté, la perfidie, la cupidité, la loquacité, l’avarice (propriétés négatives), l’expérience et la prudence (propriétés positives).
18La caractéristique de la victime se manifeste dans le proverbe : « Qui veut noyer son chien, l’accuse de la rage » / « Koje pseto hoće da ubiju, poviču: besno je » qui réfère métaphoriquement aux êtres humains auquels l’on veut nuire et que l’on le fait souvent avec des calomnies. Autrement dit, lorsqu’une personne veut se débarasser d’une autre, elle emploie tous les prétextes pour l’éliminer. Le proverbe est apparu au XIIIème. À cette époque, il n’y avait aucun contrôle vétérinaire : les gens noyaient les chiens enragés en toute légalité.
19La propriété du danger est une des propriétés typiques du lexème chien, métaphoriquement transférée aux humains. Quand on souhaite empêcher quelqu’un de faire quelque chose risquant de lui faire du mal ou lorsqu’on le conseille de se garder des mauvaises fréquentations et des influences dangereuses, on dit : « Courez toujours après le chien, jamais ne vous mordra » / « Trči za psom, pa te nikada ujesti neće » et « Qui se couche avec les chiens, se lève avec des puces » / a) « Ko sa psima leže, pun buha ustane », b) « Ko sa psima leži, s buhama ustaje ».
20Il est paradoxal de constater que cet animal, considéré, dans les cultures française et serbe, comme le meilleur et le plus fidèle ami de l’homme, dénote souvent les mauvaises caractéristiques humaines, comme le sont perfidie et méchanceté. Ceci s’explique par le fait qu’en fonction du besoin, on souligne les différents aspects d’un concept donné dans les transferts métaphoriques : « Méfie-toi des chiens qui n’aboient pas » / « Podmuklo pseto najpre će ujesti », « A méchant chien court lien » / « Zlu psu kratak lanac ».
21La cupidité du chien qui, par la métaphore, se révèle dans le proverbe suivant : « Deux chiens à un os ne s’accorde » / « Svadili se psi oko gole kosti » portant qur les personnes qui sont en dispute et qui sont prêts à tout.
22Si quelqu’un parle en blanc ou bavarde beaucoup, ça veut dire qu’il n’a pas de temps pour faire des travaux plus importants ou il fait attirer l’attention aux choses inutiles. De toute manière, un tel comportement est métaphoriquement traduit par la loquacité du chien et son aboiement : a) « Chien qui aboie ne mord pas », b) « Tous les chiens qui aboient ne mordent pas », c) « Le chien aboie plutôt que de mordre » / a) « Pas koji mnogo laje ne ujeda », b) « Pas koji više laje manje ujeda », c) « Ne ujedaju svi psi koji laju ».
23La propriété de l’avarice du chien est présente dans le proverbe : « Le chien se frotte à la charogne » / Leži kao pas kod mrtve kobile » qui, au sens figuré, se rapporte aux humains à tel point qui veulent préempter pour eux tout ce qu’ils gagnent bien que ceci puisse être très souvent d’une mauvaise qualité.
24L’expérience et la prudence du chien sont les propriétés positives prédominantes et on les trouve dans les proverbes suivants : a) « Il n’est chasse que de vieux chiens » / « Nema lova bez starog garova », b) « Les vieux chiens n’aboient pas en vain » / « Kad stari pas laje, valja viđeti šta je » / « Kad mator pas laje, onda valja viđeti šta je ». Au sens figuré, le premier proverbe dénote les personnes âgées qui possèdent une expérience et un savoir-faire tandis que le second signifie qu’il faut tenir compte des avertissements des vieilles gens.
4. Les proverbes ayant une structure lexicale différente mais la même structure sémantique
25Dans cette catégorie de proverbes, où nous avons relevés le plus grand nombre d’occurrence de concept de chien, transparaissent : le danger, la méchanceté, l’oisiveté, la naïveté, l’inexpérience, la rage en tant que propriétés négatives, l’expérience, la fidélité et le courage, en tant que propriétés positives. Il est à souligner que dans les équivalents sémantiques serbes, à part le lexème chien, apparaissent d’autres animaux tels que : poule, pou, chevreau, chat, oiseau, pie, aigle, moineau, renard, pigeon, cheval et dont les caractéristiques renvoient aux images réelles de la vie de l’homme et aux différents aspects de son positionnement et son comportement dans la société.
26La caractéristique du danger prédomine dans les proverbes avec le lexème chien parce que, selon sa nature de prédateur, son agressivité naturelle et sa morphologie, il prétend à conserver son espèce et à se défendre de toute sorte d’attaque provenant d’autrui. Métaphoriquement, cette propriété se transmet aux humains : a) « Tout chien est lion dans sa maison » / « Svaka je kvočka na svom gnezdu jaka »[= chaque poule est la plus forte dans son nid]9 / « Svaka je vaška na svom toru jača »[= chaque pou est le plus fort dans sa bergerie], b) « Lavez chien, peignez chien, toutefois n’est chien que chien » / « Odsjeci psu uši, pas je pas » [= même si l’on coupe les oreilles au chien, le chien reste le chien] / « Odsjeci psu rep, pas je pas »[= même si l’on coupe la queue au chien, le chien reste le chien] / « Otkini psu rep, pas je pas »[= même si l’on déchire la queue au chien, le chien reste le chien]. Dans le proverbe : « Il ne faut pas se moquer des chiens avant qu’on soit hors du village »10 / « Prvo skoči, pa onda kaži hop » [= d’abord on saute et on dit que l’on a sauté], on apprend aux humains comment il faut éviter le danger métaphoriquement représenté dans le chien. Autrement dit, il ne faut pas se vanter d’un succès avant de l’avoir obtenu.Ainsi, pour éliminer le danger et créer un espace sécurisé, on ne doit avoir pitié des gens malfaisants. Ceci se révèle dans le proverbe : « A chien qui mord il faut jeter des pierres » / « Udri pseto koje kolje »[= on bat le chien qui mord].
27La propriété de la méchanceté du chien s’identifie dans les deux proverbes : « A mauvais chien la queue lui vient » / « Zlu bravu zla paša ne gine »[= à mauvais animal la mauvaise herbe lui vient] et « Chien hargneux a toujours l’oreille déchirée »11 / a) « Zloj ptici kljun otpao », b) « Traži kirije na suhu putu » [= à mauvais oiseau le bec lui tombe ; il cherche la noise]. Le premier exemple dénote ceux qui, faisant des choses négatives, sont eux-mêmes pris dans le piège du mal tandis que le second réfère aux gens querelleurs à qui arrivent toujours des accidents.
28L’oisiveté, la naïveté, l’inexpérience et la rage sont des propriétés attribuées au chien qui ne figurent qu’une fois dans les proverbes analysés ce qui veut dire qu’elles sont le moins présentes : « Le chien au chenil aboie à ses puces » / « Besposlen pop i jariće krsti » [= le prêtre oisif baptise les chevreaux]. Le proverbe est lié à l’activité humaine et explique un travail inutile ; lorsque l’on souhaite garder quelque chose de sûr pour soi et ne pas se lancer dans les actions qui risquent de nous nuire et qui sont incertaines, on dit : « Le chien qui lâche sa proie pour l’ombre n’a ni l’ombre ni le corps »12 / a) « Bolje je svračak u ruci nego soko u planini », b) « Bolje je vrabac u ruci nego golub na grani » [ = a) il vaut mieux avoir une pie dans la main qu’un aigle dans la forêt, b) il vaut mieux avoir un moineau dans la main qu’un pigeon sur la branche] ; les gens inattentifs et inexpérimentés ne parvenant pas à leurs objectifs et manquant des occasions favorables sont métaphoriquement présentés dans le proverbe : « Pendant que le chien pisse, le loup s’en va » / a) « Dok se baba dovuče, svadba se provuče », b) « Dok se lisici prouče berati, ode koža na Pazar »[= a) pendant qu’une vielle dame se fait glisser, le mariage est passé, b) pendant que le renard prouve qui est, il reste sans sa peau] ; les gens qui se fâchent et qui provoquent sa rage parce qu’ils ne se contentent pas de la manière de vivre dans leur société, sont qualifiés par le proverbe : « Si l’os est dur, le chien est ennuyeux », où le rageur de chien se transmet figurément aux humains.
29Quant aux propriétés positives, c’est celle de l’expérience qui est la plus dominante dans les proverbes avec le lexème chien appartenant à cette catégorie. Elle dénote figurément les caractéristiques innées que les enfants héritent de ses parents : a) « Bon chien chasse de race »/ « Što mačka koti, sve miša lovi » [= ce que naît le chat, chasse les souris], b) « Chien qui s’en va à Rome matin en revient » / « Pametan polako ide, a brzo dođe » [= l’intelligeant part doucement, mais revient rapidement] ou elle porte sur le rapport entre les grandes personnes et les petits garçons : « Ils veulent faire comme les grands chiens, ils veulent pisser contre le muraille » / « Vid’la žaba đe se konji kuju, pa i ona digla nogu » [= la grenouille a vu les chevaux se faire ferrer et elle a levé sa jambe].
30En ce qui concerne la caractéristique de la fidélité, elle transparaît une fois dans les proverbes analysés : « À bon chien bon os » / a) « Dobro se dobrim vraća » [= le bien donné revient bien], b) « Dobro se samo hvali » [= on ne complimente que le bien].
31La propriété du courage se manifeste dans le proverbe : « Un chien regarde bien un évêque » / a) « I mačka cara gleda, al’ ga se ne boji » [= le chat regarde le roi et il n’a pas peur de lui] b) « I mačka je kralja gledala, aman ga se nije bojala » [= le chat a bien regardé le roi et il n’a pas eu peur de lui] signifiant que personne ne doit s’irriter d’être regardé par une personne de plus basse condition. Quant au rapprochement du chien et de l’évêque, qui fait le sel de ce proverbe, il a probablement sa raison dans ce fait historique peu connu : c’est qu’autrefois il était défendu aux évêques d’avoir chez eux aucun chien. La défense a été faite par le second concile de Mâcon, le 23 octobre 585, afin que les fidèles qui iraient leur demander l’hospitalité ne fussent point exposés à être mordus13.
5. Conclusion
32À partir des proverbes analysés, nous pouvons conclure que le chien possède principalement les propriétés négatives qui, par la métaphore, réfèrent à l’état d’esprit des humains, leur caractère et leur position dans la société. Nous avons identifié, uniquement dans quelques cas, les propriétés positives du lexème mentionné. D’après l’analyse de fréquence des propriétés du chien, nous constatons que la propriété la plus fréquente est le danger qui apparaît sept fois, la méchanceté figure quatre fois, la loquacité se manifeste trois fois tandis que les caractéristiques de la cupidité, de l’avarice, de l’oisiveté, de la victime, de la naïveté, de l’inexpérience et du rageur interviennent une seule fois. Parmi les propriétés positives, ce sont celles de l’expérience et de la prudence qui transparaissent deux fois et celles de la fidélité et du courage qui sont identifiés une fois. Nos résultats sont, en quelque sorte, surprenants car dans l’image collective du peuple français et serbe, le chien était toujours traité en tant qu’un animal fiable, dévoué à son maître et le meilleur ami de l’homme. Néanmoins, la symbolique du chien venant de la Bible et de la période païenne que nous avons déjà décrite a eu un impact considérable sur la création des proverbes et sur le caractère négatif de cet animal. Nous constatons que le danger, en tant que la propriété négative, est prototypique, ce qui s’explique par le fait que le chien possède une nature de prédateur et une agressivité naturelle.
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Notes
1 Ch. Schapira, Les stéréotypes en français : proverbes et autres formulations, Paris, Ophrys, p. 57.
2 Ibid., p. 58.
3 M. Sułkowska, « Expressions figées dans une perspective multilingue: problème d’équivalence et de traduction », in:W. Baniś (réd.), Neophilologica, vol. 20, Études sémantico-syntaxiques des langues romaines, Katowice: Wydawnictwo Uniwersytetu Śląskiego, 200–202.
4 A. Belić, Opšta lingvistika [La linguistique générale], Beograd, Zavod za udžbenike i nastavna sredstva, 1998, 9. 42.
5 P. D. Miquel, Dictionnaire symbolique des animaux, Paris, Le Léopard d’or, 1992, p. 91.
6 Ibid.
7 J. Chevalier, A. Gheerbrant, Dictionnaire des symboles, Paris : Robert Laffont et Editions Jupiter, 1969, p. 239.
8 V. Čajkanović, Stara srpska religija i mitologija [L’ancienne religion et mythologie serbe], Beograd, Srpska književna zadruga-BIGZ-Prosveta-Partenon M.A.M, 1994, p. 186.
9 Entre parenthèses se trouve la traduction littérale des équivalents sémantiques serbes vu que la structure lexicale est différente par rapport aux formes françaises.
10 Pour ce proverbe français, on en trouve d’autres qui sont d’une structure lexicale différente mais qui ont la même structure sémantique : a) il ne faut pas vendre la peau de l’ours avant qu’on ne l’ait mis à terre, b) il ne faut pas chanter triomphe avant la victoire, c) ne triomphe pas avant d’avoir franchi le fossé, d) il ne faut pas mettre le lièvre en sauce avant de l’avoir attrapé, e) ne criez pas ‘les moules’ avant qu’elles ne soient au bord, f) vin versé n’est pas avalé (Milosavljević 1994 : 266).
11 Le proverbe est motivé par l’image du chien qui a l’habitude de se battre et de se déchirer souvent les oreilles dans les bagarres. Cela signifie par extension que celui qui aime se battre en paie les frais, comme nous avons d’ailleurs expliqué. Quant à l’étymologie, on retrouve des traces de ce proverbe dès le XVIème siècle. Il est par ailleurs cité dans la fable de La Fontaine nommée Le chien à qui on a coupé les oreilles.
12 Ce proverbe vient d’Ésope qui en a formulé le principe dans le chien qui porte de la viande, idée reprise ensuite par Phèdre et par fabuliste Jean de la Fontaine. Le pauvre chien, croyant faire un festin de l’image du reflet de sa proie, se retrouve finalement sans la proie ni, bien entendu, le reflet. Il en est ainsi de tous ceux qui, ne se contentant pas de ce qu’ils ont en main, l’abandonnent pour convoiter sans succès ce qu'ils croient être mieux, comme nous l’avons déjà expliqué. Jean Chapelain, poète du XVIIème siècle, écrira également : jamais personne qui fut sage n’a abandonné le corps, bien que petit, pour suivre son ombre, bien que grande. Cette expression n’est jamais qu’une autre formulation du fameux et très proche un tiens vaut mieux que deux tu l’auras.
13 P. M. Quitard, Dictionnaire étymologique, historique et anecdotique des proverbes, Paris : Libraire éditeur, 1842, p. 225.