Un aperçu sur l’apprentissage de la langue française à l’Université Pédagogique d’Etat Ouchinsky de Iaroslavl : les perspectives et les difficultés

Par Christina Kossogorova
Publication en ligne le 31 janvier 2014

Résumé

Тема нашего разговора будет посвящена двум основополагающим в данном контексте вопросам: «Какое место занимает французский язык среди других иностранных языков?» и «Каковы перспективы  изучения французского языка?»

Le sujet de notre communication concerne deux questions fondamentales : Comment le français se situe-t-il par rapport à d’autres langues étrangères et quelles sont les perspectives pour apprendre le français.

Mots-Clés

Texte intégral

Introduction

« La langue française est une femme,

et cette femme est si belle, si fière,

si modeste, si hardie, si touchante,

si voluptueuse, si chaste, si noble,

si familière, si folle, si sage qu’on

l’aime de toute son âme et

qu’on  n’est jamais tenté de lui être infidèle. »1

Anatole France

1C’est un très bel éloge à la langue française qu’on aime beaucoup, qu’on essaie de promouvoir et de renforcer son apprentissage. Mais comment trouver des raisons valables pour persuader les jeunes d’apprendre le français ? Pourquoi cette question ? Parce que durant les dernières années, l’influence de la langue française s’est réduite en Russie, et cela s’explique dans la plupart des cas parl’attrait général pour l’anglais.

1. Un petit parcours historique

2On sait très bien que la langue française, jusqu’au XXe siècle a possédé une importance exceptionnelle en Russie. Dès la fin du XVIIIe siècle le français s’impose progressivement comme la langue des élites. D’après A. Latsa2, pour la haute société, parler français était même parfois devenu plus naturel que parler russe. Au début du XIXe siècle, la langue française était encore très répandue dans la noblesse russe. Certains grands écrivains russes créaient leurs œuvres dans les deux langues, russe et français, puisqu’ils parlaient en français au sein de leur famille dès leur plus tendre enfance. Jusqu’au début du XXe siècle, le français était également la langue des diplomates. Pourtant le XXe siècle marque le début du déclin de la langue française, le déclin que les pessimistes affirment irréversible en collaboration directe avec l’importance prise par la langue anglaise. Malgré cela, l’attachement traditionnel et formel au français s’est prolongé durant le XXe siècle en Russie, où parler français était toujours la marque d’une éducation de bon niveau. Pour cette raison, de nombreuses familles russes aimaient le fait que leurs enfants parlaient le français.

3Aujourd’hui, l’influence de la langue française diminue en Russie. Elle est supplantée par l’anglais (et même parfois par l’allemand) considéré comme parlé partout dans le monde, donc, plus utile et plus pratique.

4Mais selon Claude Hagège3 le français a toujours le privilège d’être l’une des grandes langues de diffusion internationale. Du point de vue du nombre de ses locuteurs  la langue française est la huitième langue la plus répandue dans le monde.

1.1. Les perspectives

5Quelles sont les perspectives pour apprendre le français ? Il y a un grand nombre de raisons pour lesquelles on choisit une langue: le travail, les vacances ou bien l’apprentissage pour le plaisir.

6Premièrement, le français est une langue qui permet d'étudier en France et trouver un emploi.Parler français permet de faire ses études dans des universités françaises très prestigieuses classées parmi les meilleurs établissements supérieurs en Europe et dans le monde. Les élèves maîtrisant la langue française peuvent toucher une bourse et obtenir un diplôme internationalement reconnu.

7D’après France Diplomatie, parler français est un grand avantage pour multiplier ses chances sur le marché international de l’emploi qui peut ouvrir les portes des entreprises françaises en France et dans tous les pays francophones. En maîtrisant la langue française, on peut travailler dans les organisations internationales, dans le domaine du tourisme ou bien de l’enseignement. Donc, la connaissance de la langue française est une perspective professionnelle.

8Deuxièmement, le français est une langue permettant de voyager. La langue est comme un guide expérimenté permettant de faire un inoubliable voyage à Paris et dans toutes les régions de France en découvrant la douceur de la Côte d’Azur, les côtes sauvages de la Bretagne, les sommets enneigés des Alpes: passer d’une mentalité à une autre façon de penser et de vivre, de comprendre la culture authentique à travers des époques.

9Troisièmement, le  français est une langue infiniment agréable à apprendre.Apprendre le français, c’est d’abord un grand plaisir d’apprendre une langue dont la beauté, la finesse, la richesse et la mélodie ne vous laisseront jamais indifférent. C’est la langue qui vous attire comme un bon parfum et vous enivre à tel point que vous ne pouvez plus l’oublier.

10Le français est la langue internationale pour la sphère artistique: architecture, théâtre, danse, mode, etc. Parler français, c’est avoir la possibilité d’apprécier les grands textes de la littérature française, aussi bien que le cinéma et la chanson en version originale.

11La France est non seulement réputée pour ses arts et sa riche culture, mais aussi pour ses inventions technologiques (TGV et automobile, médecine, industries chimiques et pharmaceutiques).

12En plus, le français est aussi une langue analytique qui développe l’esprit critique et aide à apprendre d’autres langues, surtout les langues romanes (l’espagnol, l’italien, le portugais), mais aussi l’anglais puisque le français a fourni plus de 50% du vocabulaire anglais actuel.

13Il est important de souligner qu’apprendre le français, c’est non seulement saisir l’opportunité de communiquer avec plus de 300 millions de francophones à travers 53 pays repartis sur les 5 continents, mais aussi de se donner  la chance d’effectuer des choses existentielles, de s'ouvrir aux frontières et aux âmes.

2. Le français à l’Université Pédagogique d’Etat Ouchinsky de Iaroslavl

14Le français est enseigné comme première, deuxième et même parfois comme troisième langue dans les établissements d’enseignement supérieur russe.

15Les étudiants choisissent le français comme première langue pour différentes raisons: soit pour accéder à une formation universitaire complémentaire en France, soit, le plus souvent, pour se destiner principalement à des carrières de professeurs de français et d’interprètes. C’est bien le cas de la faculté des langues étrangères de l’Université Pédagogique d’Etat Ouchinsky de Iaroslavl où l’on forme de futurs enseignants notamment pour des écoles secondaires et de futurs interprètes.

16Il faut dire que l’Université Pédagogique d’Etat Ouchinsky de Iaroslavl (UPO) un des plus anciens établissements supérieurs du pays, a célébré son centenaire en décembre 2008. Elle est reconnue comme étant la meilleure université entre les « Cent meilleurs établissements supérieurs de la Russie ». Notre Université a obtenu un diplôme pour «Travail efficace et meilleure qualité dans la formation des cadres pédagogiques » au Concours Régional. Vainqueur du projet national dans le domaine de l’enseignement, l’Université est la troisième dans le classement du Ministère de l’Education et de la Science de la Russie parmi tous les établissements supérieurs pédagogiques du pays. C’est l’Université Pédagogique d’Etat Ouchinsky de Iaroslavl qui a reçu la première une grande reconnaissance de la part du Président de la Russie pour « Contribution importante à la formation des enseignants ».

17Le département de français de la faculté des langues étrangères de l’UPO garde ses belles traditions et continue de cultiver le goût, le plaisir d’apprendre le français et la culture française depuis sa création 1943. Huit professeurs qui y travaillent forment une équipe de professionnels, animés par la volonté de faire bouger des choses. Actuellement notre département de langue française accueille seulement une cinquantaine d’étudiants-spécialistes. Chaque étudiant reçoit la possibilité de se découvrir, de se manifester, les efforts et les succès de chacun sont encouragés, appréciés et soutenus. A tout instant les étudiants de notre faculté font preuve de  créativité et de talents. Et ce travail porte ses fruits. Nos étudiants sont reconnus par leurs victoires aux Concours Nationaux de français et cette année une étudiante de cinquième année a occupé la deuxième place à Moscou.

18Enseigner le français, son patrimoine est un devoir essentiel. Aujourd'hui, cela demande davantage de savoirs et de compétences. Nous proposons des exercices variés adaptés aux besoins et au niveau de chacun. Cherchant à faciliter l’accès à la culture française et à initier nos étudiants aux œuvres classiques et modernes, nous leur proposons de participer au théâtre estudiantin  « Unique ». Tout ce qui est organisé à la faculté (fêtes, tables rondes, conférences, concours, représentations théâtrales) est spécialement préparé pour que les jeunes en tirent un maximum de bénéfice culturel, intellectuel et spirituel.

19Mais cela ne suffit pas. Il faut trouver d’autres moyens pour rendre l’apprentissage du français plus motivant. Aujourd’hui on voit un grand recul de l’enseignement de la langue française à Iaroslavl et dans la région. Cependant, le travail des enseignants de français, qui font réellement vivre la langue et la culture française via de différents projets et activités, est énorme.

20Pour être plus concret: parmi les villes-partenaires de Iaroslavl, une place particulière revient à la coopération avec Poitiers, la ville jumelée. Cette amitié est assurée par le Traité de coopération signé en 1970. Les relations entre nos deux villes embrassent différents domaines tels que la culture, les sports, la médecine, les services des sapeurs-pompiers et l’enseignement bien sûr. Chaque année pendant trois semaines, nous accueillons des stagiaires français de l’Institut Universitaire de formation des maîtres de Poitou-Charentes qui viennent à Iaroslavl pour découvrir et comparer notre système éducatif, ainsi que pour développer une meilleure connaissance de l’enseignement et la formation en Russie. A leur tour, des étudiants russes viennent à Poitiers pour les mêmes raisons et aussi pour maîtriser leur français. Ces échanges annuels qui s’effectuent depuis une bonne vingtaine d’années sont très importants pour nous et pour nos élèves, car ces contacts permettent de susciter un vif intérêt pour la culture et la langue française. De plus, ils permettent aux jeunes des deux pays de communiquer et de créer des liens d’amitié.

21Grâce à l’initiative et aux efforts des responsables des langues slaves à l’Université de Poitiers, en 2011 nous avons réussi à signer une convention cadre de collaboration avec la Faculté des lettres et langues de l’Université de Poitiers. Selon cette convention les deux facultés s’engagent à promouvoir, de part et d’autre, la mobilité étudiante.

22En outre, il y a une convention avec l’Ambassade de France en Fédération de Russie qui a permis de créer au sein de la faculté des langues étrangères un centre de ressources en français afin de renforcer l’apprentissage du français et de promouvoir les études en France auprès des étudiants. Actuellement, il y a une cinquantaine d’étudiants qui ont déjà obtenu leurs diplômes français DELF (niveau B2) et DALF (niveau C1).

23Il faut encore préciser que notre Université entre dans le réseau de l’Alliance française qui favorise la diffusion de la culture et de la pensée française et met à la disposition une riche documentation sur la France et la francophonie.

3. Conclusion

24Nous sommes unanime sur le fait que la langue française reste porteuse d’un grand prestige culturel en Russie, mais paradoxalement, elle perd son importance pratique et disparaît lamentablement des écoles.

25Un corps enseignant de grande qualité et très motivé dans l’accomplissement de sa mission d’enseignement du français et de la culture française fait tout son possible pour améliorer la situation. Mais est-ce réellement une tâche fructueuse ? Oui. La mobilité scolaire et universitaire entre la France et la Russie qui s’effectue régulièrement,  l’implantation d’entreprises françaises en Russie et les échanges commerciaux franco-russes qui se développent progressivement font preuve que la communication interculturelle « ne fait que renforcer l’intercompréhension de nos deux peuples et aide à mieux se comprendre. Le dialogue entre nos deux cultures apporte l’unique richesse qui compte, celle de l’esprit »4.

Bibliographie

« La langue française », Bimensuel pédagogique, № 14, Moscou, 16-31 juillet 2010.

« La langue française », Bimensuel pédagogique, № 4, Moscou, avril 2012.

Latsa, A., La francophonie en Russie, alexandrelatsa.ru /2011/04/la-francophonie-en-russie/

Litkens, K., Le plaisir de prononcer, Moscou, 2006.

Notes

1 Klara Litkens, Le plaisir de prononcer, Moscou, 2006, p.31.

2 Latsa, A., « La francophonie en Russie », lasource électronique : alexandrelatsa.ru /2011/04/la-francophonie-en-russie/

3 C. Jeanna Aroutiounova, «Notre concours », in La langue française. Bimensuel pédagogique, № 4, Moscou, avril 2012, р.5.

4 Latsa, A., Op. Cit.

Pour citer ce document

Par Christina Kossogorova, «Un aperçu sur l’apprentissage de la langue française à l’Université Pédagogique d’Etat Ouchinsky de Iaroslavl : les perspectives et les difficultés», Revue du Centre Européen d'Etudes Slaves [En ligne], Enseignement du français dans les pays slaves, La revue, Numéro 3, mis à jour le : 01/12/2021, URL : https://etudesslaves.edel.univ-poitiers.fr:443/etudesslaves/index.php?id=628.

Quelques mots à propos de :  Christina Kossogorova

Christina Kossogorova est la Directrice du département de français à l’Université pédagogique d’Etat Ouchinsky à Yaroslavl en Russie. En 2006, elle soutient sa thèse de doctorat portant sur L'organisation communicative et syntaxique des unités dialogiques dans les contes merveilleux russes. Ses publications les plus récentes : « Употребление фразеологических единиц в разговорном французском языке » [« L'emploi des unités phraséologiques dans le français parlé ».], in Cборник материалов междунаро ...